L’enjeu du retour sur Terre : Que ce soit sur Mars ou sur notre bonne vieille terre, aucune vie n’est envisageable -dans l’état actuel de la science- sans ces précieux aliments qui constituent notre carburant.
Or, avec les progrès de l’agriculture intensive et de l’industrie agroalimentaire, nous avons finis par oublier que l’accès à l’alimentation n’était pas un don du ciel garanti mais le résultat d’un système de production et de distribution basé sur quelques principes féconds hier mais aujourd’hui dépassés :
- La mondialisation des échanges : Le Canada nous achète nos vins et nous importons ses semences et fruits. Ne sommes-nous pas capables de produire suffisamment de fruits ou de semences ? Ne serait-il pas plus raisonnable de manger du mouton français plutôt que de l’importer ? Le bon sens nous inciterait pourtant à le faire.
- La libre concurrence et circulation des marchandises ; en Europe la souveraineté alimentaire n’étant jusqu’à présent pas considérée comme relevant de l’intérêt général, certains biens alimentaires se vendent à prix coutant alors que de plus en plus de nos concitoyens ne mangent pas à leur faim. Si produire du maïs à profusion est rentable pourquoi me préoccuper de produire pour nourrir les Français ?! Business is business après tout.
- L’obsession de l’intensité capitalistique qui pousse à la concentration et à la déshumanisation (sans parler du mal être animal) des exploitations
Selon le dernier baromètre réalisé par l'institut Ipsos pour le Secours populaire, 32 % des Français ne sont pas en capacité de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour manger trois repas par jour, et 15% déclarent même ne plus pouvoir assurer régulièrement petit-déjeuner, déjeuner et dîner, faute de moyens.
Pire, la crise systémique qui débute fait peser un risque sur notre sécurité alimentaire.
Quelques exemples :
- Les vagues de sécheresse, la salinisation des deltas de fleuves, la multiplication des accidents météorologiques réduisent les capacités de production
- La dégradation des terres et des éco systèmes due à un usage intensif de produits phytosanitaires
- Les conflits commerciaux voire armés entre pays (Houthis qui amènent les cargos à se dérouter, impact de la guerre en Ukraine sur le cours des céréales et de l’énergie, ..) qui perturbent les filières d’approvisionnement
Résultat. Le cours mondial des produits agricoles devrait connaître dans les prochaines années augmentation tendancielle et instabilité.
L’autonomie alimentaire redevient donc un enjeu de souveraineté.
Mais de quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ?
Compte tenu de son potentiel agricole, la France devrait pouvoir garantir l’accès universel à une alimentation saine, suffisante, équilibrée et peu carbonée.
- Universelle : L’accès de tous sans exception à une alimentation est un droit universel trop souvent piétiné (et pas qu’à Gaza)
- Saine : Stop à la mal bouffe
- Suffisante : On considère comme minimum 1 600 calories par jour pour une femme adulte (et 2 200 pour un homme)
- Équilibrée : Un repas équilibré est le reflet d’un régime qui couvre les trois principaux groupes d’aliments que sont un quart de protéines, un quart de glucides et une moitié de légumes
- Peu carbonée : il s’agit de privilégier une production peu consommatrice de produits phytosanitaires et d’engins motorisés ; une production et une transformation de proximité
Certains organismes officiels, comme l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), ont établi des recommandations sous forme d’apports nutritionnels conseillés (ANC) pour chaque type de nutriment, pour une journée complète. Ces ANC sont calculés sur la base des besoins nutritionnels moyens d‘un groupe d’individus représentatifs de la population.
Quelle stratégie alimentaire déployer à l’échelle locale ?
Sachant que d’ici 2027, il ne faut pas espérer un plan Marshall de l’alimentation (à moins d’un coup de théâtre peu probable), les collectivités locales doivent – à l’échelle de leurs bassins agricoles- agir vite et vraiment en adoptant une approche systémique ; c’est-à-dire en intégrant l’ensemble de la chaîne : la production, la transformation, la distribution et la consommation
Aujourd’hui, les démarches engagées de types PAT piétinent faute le plus souvent d’une réelle volonté politique mais aussi d’un manque flagrant d’ingénierie.
Quelques propositions d’ordre méthodologiques
Toute ambition d’autonomie alimentaire locale devrait se structurer autour des 4 piliers de la résilience :
- Sobriété : Une agriculture peu carbonée qui privilégie le travail humain et celui des écosystèmes
- Autonomie : Une agriculture orientée sur les besoins alimentaires de la population locale
- Solidarité : Une agriculture dont la production est accessible à tous (Sécurité sociale de l’alimentation ?)
- Intérêt général : Une agriculture qui privilégie la production d’aliments essentiels à une alimentation saine
Les objectifs/indicateurs de réussite d’une démarche de résilience alimentaire :
- % de la consommation alimentaire importée (à plus de 100 kilomètres)
- % de la production locale en bio
- % de la population en précarité alimentaire
- % de la population en surpoids
Deux conditions de réussite président à la réussite d’un projet local d’autonomie alimentaire :
- Un changement de comportement des consommateurs (et donc des habitants) : Manger moins de viande, moins de sucre et plus de légumes et de fruits ; acheter des produits locaux et de saison, manger moins pour certains. Tous ces choix intimes ne pourront être obtenus par la force réglementaire et/ou la culpabilisation (espérons-le !). Il s’agit donc de mobiliser l’ensemble des habitants et de faire appel à l’intelligence collective dans tout projet de transition alimentaire
- Une transition concertée des pratiques des professionnels (agriculteurs, transformateurs, distributeurs). Pour les agriculteurs, réorienter leur production est synonyme de risque économique et d’investissement souvent conséquent. Il est donc essentiel de les aider à prendre le virage d’une agriculture plus résiliente : prix garantis, commandes groupées, circuits courts sécurisés, distributeurs privilégiant les produits locaux, …
Au départ de la démarche, l’ensemble des parties prenantes (agriculteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs) doivent s’accorder sur quelques principes directeurs :
- Privilégier une agriculture locale et diversifiée
- Ne pas aller contre la nature : Produire, cultiver ce qui sera adapté aux conditions climatiques des prochaines années
- Encourager une agriculture saine et peu carbonée
- Se concentrer sur les cultures les plus nourricières
En conclusion : La recherche d’autonomie alimentaire à l’échelle nationale et locale redevient prioritaire en ce début de crise systémique.
Pour concrétiser cette ambition, les collectivités locales vont devoir s’appuyer sur une ingénierie leur permettant à la fois :
- Une mobilisation massive des habitants (en tant que citoyens et consommateurs)
- Une prise de conscience partagée des priorités
- Une implication démocratique de l’ensemble des parties prenantes
- Une organisation projet rigoureuse
Good night and good luck