Billet de blog 7 septembre 2020

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François Lanstroffer

Conférencier et penseur en résilience dans un contexte de crise systémique mondiale

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Covid 19 : de quoi devrait-on avoir peur ?

Le 31 août après quelques semaines de répit, l’Etat (via les préfets) impose le port du masque en extérieur dans la plupart des métropoles. Des maires avaient déjà pris cette initiative quelques jours plus tôt et depuis d’autres ont suivis. Et pourtant, nous savons déjà que le covid cible ses victimes : 97 % des personnes décédées présentaient une comorbidité et étaient âgés de 65 ans et plus.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quelques chiffres :

  • La France compte 67 064 000 d’habitants
  • Les moins de 65 ans représentent 81,2 % de la population (54 455 968 individus)
  • Du 1° mars au 24 juillet en France, 30 182 décès du covid
  • Taux de létalité réel du covid en France : 0,5 % des personnes infectées

 Si l’ensemble de la population était infecté, nous pourrions nous attendre à 335 320 décès en France

  • Or 9 % des 30 182 personnes à ce jour décédées ont moins de 65 ans
  • Soit 30 178 décès extrapolés dans cette catégorie d’âge si l’ensemble de la population venait à être affectée (en vérité, beaucoup moins car le taux de guérison a beaucoup progressé depuis mars)
  • En résumé, une personne de moins de 65 ans qui ne respecterait pas les mesures barrières et contracterait le Covid 19 aurait 0,05 % de chance d’en mourir (0,5 chances sur 1 000)

 A titre de comparaison en 2017, 17 % des patients atteints du cancer du poumon étaient encore en vie 5 ans après le diagnostic.

 Autre comparaison, le taux de mortalité du SRAS a été estimé à 13,2 % chez les moins de 60 ans et à 43,3 % chez les plus de 60 ans

 L’économie mondiale a donc été mis en panne pour faire face à une maladie très peu létale pour plus de 80 % de la population. Nous ne le savions pas début mars mais maintenant on le sait.

Résumé du feuilleton Covid

 A partir de mi mars, les gouvernements ont plus ou moins rapidement opté pour un confinement drastique (fermeture des frontières, interdiction de circuler, mesures barrières) et indifférencié (toutes les tranches d’âge, les citadins comme les ruraux).

 Le 31 août après quelques semaines de répis, l’Etat (via les préfets) impose le port du masque en extérieur dans la plupart des métropoles. Des maires avaient déjà pris cette initiative quelques jours plus tôt et depuis d’autres ont suivis.

 Et pourtant, nous savons déjà que le covid cible ses victimes : 97 % des personnes décédées présentaient une comorbidité et étaient âgés de 65 ans et plus.

 Alors pourquoi refuser d’opter pour une stratégie de prévention ciblée (les personnes fragiles) et responsabilisante (laissez les jeunes adultes ajuster leur comportement en fonction des situations) ?

 Pourquoi nous priver d’une partie de nos libertés ? Pourquoi interdire les évènements sportifs, culturels ? Pourquoi maintenir fermé les discothèques alors que ces lieux sont rarement fréquentés par les plus âgés d’entre nous ? Pourquoi nous obliger à porter un voile sanitaire ? Pourquoi cette infantilisation ? Pourquoi mettre à mal l’économie ? Pourquoi culpabiliser les jeunes et faire appel à leur sens des responsabilités alors qu’il suffirait de protéger les plus fragiles (papi, met ton masque et ton plexiglas mais laisse moi vivre) ?

Les conséquences d’un confinement qui dure

 Conséquences sociales et psychologiques : Il est étonnant de constater que sociologues et psychologues sont en cette période extrêmement peu audibles. Et pourtant, il y aurait beaucoup à dire en la matière car le port du masque et l’accumulation dans le temps des mesures barrières ont plusieurs impacts :

  • Dégradation du lien social : ne plus échanger un sourire, ne plus se serrer la main, se faire la bise, s’étreindre entre amis, se garder à distance réduit un peu plus la qualité des relations humaines. Alors que nous savons déjà que nos sociétés modernes séparent, individualisent et isolent les individus. L’homme est un animal social. Le priver durablement de ce lien social, c’est le condamner à l’encapsulation de son existence.
  • Emergence de comportements pathologiques : certaines personnes psychologiquement fragiles par ailleurs commencent à développer des psychoses : parents imposant à leurs enfants le port du masque, couples se promenant masqués dans des parcs quasi déserts, personnes masquées mais s’écartant de plus de 2 mètres des autres dans la rue, regards de défiance jetés à des personnes croisées, personnes refusant de partager un ascenseur entre voisins, clients qui portent des gants dans un supermarché (alors que cela a toujours été déconseillé), conducteur usant de gel alcoolique dans sa voiture,….

Bien sûr, ces comportements peuvent faire sourire mais ils révèlent la fragilité de certains de nos contemporains.

A quand la mise à l’écart de la cité de ceux qui ne porteraient pas le masque ? A quand la stigmatisation du voisin qui refuserait l’installation d’une caméra thermique à l’entrée du hall de l’immeuble ? A quand l’isolement des récalcitrants à l’usage de « Stopcovid ». Saurons-nous éviter le retour aux pires moments de l’histoire où des peuples ont sombré dans l’autoritarisme et l’obscurantisme ??

 Conséquences économiques : nous savons tous que la crise économique qui débute sera beaucoup plus grave que celle de 2008 malgré le déferlement d’argent hélicoptère.

  • Des secteurs entiers risquent la disparition : aérien, automobile, arts et culture, hôtellerie-restauration
  • Les PME/TPE sont les plus en danger car plus éloignées de l’attention des médias et donc des gouvernements
  • Au final, nombre de salariés risquent de perdre leurs emplois ou devoir accepter une dégradation de leurs conditions de travail (travailler plus pour le même salaire avec le risque malgré tout que l’entreprise ne tienne pas sa promesse de maintien des emplois)
  • Ceux qui constituaient déjà le stock de demandeurs d’emplois sombreront un peu plus dans la pauvreté
  • D’autres s’endetteront un peu plus

Au total, la crise économique risque de faire plus de victimes (décès et développement de pathologies liées au stress, à des sacrifices sur l’alimentation, certains soins) que la pandémie elle même. Mais tout cela passe au dessous des radars médiatiques. Cela ne fait pas le buzz

Alors, pourquoi ce matraquage (médiatique et réglementaire) disproportionné ?

Rappelons que nos gouvernements successifs n’ont jamais interdit la vente de tabac ; ce dernier étant la principale cause de contraction du cancer du poumon ; cancer dont le taux de létalité est sans aucune mesure avec le Covid. Le poids des lobbies peut être…

 Alors pourquoi ce traitement préventif hors norme, pourquoi cette dramatisation ?

Quelques éléments d’explication :

  • Par manque de moyens (lits et équipements) et d’anticipation

Prisonniers de leur raisonnement d’orthodoxie libérale (fermeture de lits, précarisation des soignants, organisation à flux tendus), les gouvernements sont amenés à mettre à l’arrêt l’économie pour éviter d’engorger les capacités d’accueil. Nous payons les inconséquences de ces apprentis sorciers.

  • Par manque de courage et de discernement

Dans un contexte de judiciarisation croissante (peur des procès de la part des victimes et de leurs proches) de la société et d’emballements médiatiques, les gouvernements ont choisi la politique du « 0 risque pour ma carrière » en place d’une communication responsabilisante en direction des plus fragiles.

Ils s’en remettent aux recommandations de scientifiques (eux mêmes sous l’influence des entreprises qui financent leurs recherches) dont la vision est par essence parcellaire (on ne peut pas blâmer un médecin de privilégier la dimension sanitaire et de négliger les impacts économiques, sociaux, psychologiques). C’est précisément le rôle des gouvernants de prendre du recul par rapport aux évènements.

  • Par calcul politique

Sans sombrer dans le complotisme, force est de constater que le covid 19 constitue une aubaine pour les gouvernements en place.

  • Explications : par définition, un chef d’état cherche à être réélu jusqu’à la nuit des temps.
  • Or, sa réélection dépend bien sûr de la satisfaction des électeurs mais aussi de sa capacité à rendre inaudible et à disqualifier toute forme d’opposition.
  • Le meilleur moyen de faire taire les oppositions (à une réforme des retraites, des allocations chômage, à la privatisation d’Aéroport de paris), consiste à déclarer l’état de guerre. C’est de faire appel à la concorde nationale. Emmanuel Macron comme les autres chefs d’état (et son 1° ministre) –omni présent dans les médias- joue et surjoue le rôle de père de la nation.
  • Pendant ce temps, sont passés sous silence les vrais sujets : répartition des richesses, transition écologique, immigration, stratégie industrielle, …
  • Par absence de vision systémique et stratégique

La pénurie de masques et de lits a mis en évidence la très faible résilience de notre économie et la nécessité de revoir fondamentalement le logiciel de la mondialisation : réelle stratégie industrielle et relocalisation des activités, investissement massif dans la transition écologique et refus de soutenir les secteurs les plus carbonés (transport aérien, automobile), taxation des gafam et des dividendes au profit des plus faibles et des TPE/PME.

Mais Emmanuel Macron (il n’est pas le seul) ne propose aucun véritable projet de société, aucune vision du monde de demain, aucune stratégie de la transition écologique. On voit comment il a botté en touche les propositions de la convention citoyenne pour le climat (comme il avait enterré le rapport Boorlo). Il persévère dans l’application de recettes éculées et inefficaces : plan d’aide aux grands groupes sans contrepartie, allégement de charges, travailler plus… Et vive le ruissellement.

Il gère à la petite semaine alors qu’il s’agit de se saisir de cet avertissement systémique que constitue le Covid pour repenser notre modèle de société. Car face au tsunami climatique, le greenwashing n’est plus possible.

En conclusion :

Si cet épisode pandémique devait durer ou se reproduire, il faut absolument éviter de confiner et d’exiger de tous la muselière sociale que constitue le masque alors que la maladie cible à 97 % les personnes les plus fragiles (les plus âgées et déjà malades par ailleurs).

Ce n’est pas la peur du Covid qui devrait guider nos choix mais :

  • La peur de la privation progressive de liberté et l’infantilisation
  • La peur de voir certains citoyens sombrer dans la psychose et dans l’enfermement
  • La peur de ne pas être à la hauteur du défi climatique
  • La peur des conséquences sociales de la crise économique

Alors qu’il ne peut y avoir de démocratie sans liberté et lien social.

Ensemble, soyons lucides

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