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Le parti d'en rire

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Billet de blog 16 septembre 2010

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Il était une fois, un marchand de foi.

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Dieu, où es-tu ? Je ne pensais pas demander ça un jour. De façon si directe.

Il aurait bien pu m’arriver quelque anecdote qui m’aurait fait douter de l’utilité de la vie, et en particulier de la mienne, alors toi, via ton V.R.P. barbu, bon prince, tu m’aurais rendu la paix. La paix du corps, la paix de l’âme, la paix de l’esprit, amen. D’aucuns trouvent pédant de ramener la paix dans les cœurs, j’étais de ceux-là. Pourtant, on dirait que nos vieilles civilisations judéo-chrétiennes, situées à l’occident d’un monde tournant en rond, ont misé sur le bon chevelu puisque, depuis une vingtaine d’année désormais la paix règne, ici-bas comme au royaume des cieux. Dieu, reviens, je t’en prie. Cette paix les a rendu fous. Déjà, lorsque la guerre rongeait l’Europe, souillant de torrents sanglants la terre, que tu avais mis si peu de temps mais tellement de génie à créer, ils semblaient déments, mais depuis que l’ennui de la paix les hante, c’est encore pire.

Dieu, tu me manques. Personnellement, j’ai toujours préféré les originaux, c’est pour cela que je te réclame. Il y en a tant là-dehors qui conspirent, qui attendent un faux pas de ta part pour te remplacer. Je comprends dès lors mieux ton silence depuis tout ce temps, tu te fais discret. Un peu comme ces mafieux hollywoodiens qui attendent que les affaires se tassent pour faire un retour fracassant, costume impeccable, sourire éclatant et regard décidé. Les copieurs salueront bientôt les poissons de ta part. Ah non, j’oubliais, tu n’es qu’amour et doué de miséricorde ! Les usurpateurs n’ont d’ailleurs pas hésité à te piquer ton concept fondateur : soyez dociles, soyez dévoués, vous finirez aux sommets. Beaucoup y croient. D’autres encore croassent. Certains même, croient en cela et en toi. Ils courbent donc l’échine, attendant le moment béni où ils prendront l’ascenseur – qu’il soit spirituel ou social –, direction le dernier étage. Le seul espoir de ce voyage leur fait oublier la boue et la fange dans laquelle ils vivent. Ils ont ainsi la même soumission envers les gens qui les déterminent, que celle qu’ils ont pour toi.

Tu m’entends, Dieu ? Si tu es à l’origine de cette blague, ce dont je ne doute pas puisque tu es à l’origine de tout, je me permets de te dire que je ne la trouve pas drôle. Ce calme dehors, ça excite les esprits. Loin des bombardiers, loin des chars, loin des miliciens, comment mesurer l’ampleur de son malheur terrestre ? Une situation précaire n’en reste pas moins vivable. Engoncés dans le confort de notre tranquillité, ne nous laissons nous pas mourir un peu ? Pas d’une mort de légiste. Nous prenons notre peu d’agrément pour le bonheur que tu ne nous apportes plus Dieu. Et comme s’enfoncerait un pachyderme flasque et mou dans des sables mouvants, notre société se laisse entrainer vers les abymes des bonheurs tarifés. Je ne te parle pas pour autant de proclamer un nouvel holocauste afin d’activer de façon saine et déconstructive la frange parasitaire de la population que représente la jeunesse. Ni même de relancer la mode ancestrale de la purification ethnique, les saignées n’ont jamais guéri quiconque. Il nous faut de l'air, le poumon vous dis-je !

Je sais bien que tu as des soucis de staff et de management actuellement, mais tu ne peux pas être uniquement accaparé par ça, pas toi. J’imagine que tu dois avoir des problèmes avec ton représentant officiel sur Terre comme le président de la F.F.F. en a eu avec son sélectionneur, mais le sujet est autrement plus important. Certes les subordonnés de vos deux officines ont un goût commun pour les crus de moins de dix-huit ans d’âge mais la comparaison s’arrête là. Se pourrait-il alors que ton dessein me reste encore imperceptible et qu’il m’éclatera bientôt en plein visage ? Après tout, tu demeures semblable à une autoroute de juillettiste, tes voies sont impénétrables. Je t’accorde qu’au moins dans ton cas, on donne ce que l’on veut, ce qui rend le racket supportable.

Ceci étant dit, l’image même de la guerre a changé, je n’ai peut-être pas regardé au bon endroit ou de la bonne façon. En y repensant il est vrai que les méthodes et les vocabulaires des entreprises capables de se faire de la publicité sur TF1 à vingt heures sont assez similaires à ceux des états-majors de notre belle armée. Ils nous ciblent grâce à une offensivemarketing et à l’occupation de l’espace puis délivrent leur information via leurs experts maison. Nous sommes matraqués, mitraillés, envahis de publicités. Il y a quelques décennies, certains portaient la mention Stop War sur leurs vêtements ou leur voiture, désormais ce sont des Stop Pub que l’on voit apparaître. S’agirait-il de l’ultime tentation ? Résister serait source de Salut et, de fait, nous offrirait une vie plus belle, mais de notre vivant. La pomme croquée d’Apple comme illustration parfaite des campagnes promotionnelles mensongères, quelle dérision. Je me demandais justement quel miracle avait bien pu sauver Mr Jobs de la faillite, c’était donc toi Dieu ! Je m’aperçois avec plaisir que tu n’as donc rien perdu de ton humour qui a traversé les temps. Ravi que tu me confirmes enfin que tu es toujours aux commandes, et dire que je doutais de toi. Comment me laver d’un tel affront ? Hormis la messe, les Ave Maria et le confessionnal. Je sais. Je tâcherai de résister à la tentation à laquelle partout tu nous soumets. Tes suppôts de Publicis ne m’auront pas ! Et si j’ai croqué à la Pomme, je l’ai fait par charité. Pour payer sa chimiothérapie à Steve. Moi, Dieu, de mauvaise foi ? Toi-même.

Paru le 21 juillet 2010 sur www.leshainarques.org

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