Deux choses me dérangent profondément dans l'histoire de la kalachnikov utilisée lors de la dernière manif pro-Gaza...
La première, c'est l'idée - que je trouve stupéfiante et malsaine - d'avoir demandé à des enfants de jouer la mort... La mort par assassinat... Cela me dérange déjà beaucoup quand il s'agit d'adultes, alors avec des enfants....
Quel besoin de rejouer de tels simulacres alors que nous avons tous suffisamment d'imagination pour imaginer toute l'horreur des scènes réelles à défaut de les avoir vécues nous-même... ou vues dans les médias ? Suffisamment d'imagination pour ressentir l'horreur de ceux qui restent après avoir perdu leur bébés, leurs petits ?
La seconde, c'est la présence de cette copie de kalachnikov... Pour deux raisons :
- la première c'est qu'un tel "jouet" pris pour un vrai pourrait semer la panique, ce qui dans une foule peut prendre des proportions - et des conséquences - hallucinantes et dangereuses.
- la seconde est que s'il est possible de participer à une manif avec une arme factice si bien imitée, il doit être tout aussi simple d'y participer avec une arme véritable.
Enfin, je ressens la théâtralisation des meurtres de Gaza comme une injure à l'intelligence de ceux qui comprennent l'horreur qui s'y déroule et surtout comme une insulte aux victimes qui ne seraient d'une certaine manière pas suffisamment convaincantes...
Autant je suis convaincue qu'il faille dialoguer avec les enfants sur ce qui se passe autour d'eux et leur expliquer les raisons des manifestations, voire les y emmener pour demander ensemble la paix, autant cette instrumentalisation me dérange profondément...
"Mon petit chéri, tu vois de part le monde il se passe des atrocités dont d'autres enfants moins bien lotis que toi sont victimes. Alors comme le témoignage de ces réalités horribles ne suffit pas à ce que les gens comprennent et manifestent avec nous pour que ça s'arrête, je te demande à toi, mon enfant adoré que je protège de tout, de les rejouer pour qu'ils comprennent mieux".
Imaginerions-nous de faire dormir NOS enfants dans la rue comme les enfants roms pour qu'ON comprenne - dans notre cher pays qui se veut encore comme celui de la liberté, de l'égalité, de la fraternité - d'être infoutus de les mettre à l'abris et de leur donner les conditions de vie à laquel chaque enfant à droit ?
Doit-on simuler l'excision sur NOS filles comme elle se pratique sur les fillettes nigerianes pour qu'ON comprenne que sur d'autres il s'agit d'une mutilation ? Doit-on simuler l'esclavage sur NOS enfants comme sur ceux d'Ouzbékistan ou de Corée du Nord pour qu'ON admette qu'il est impensable de cautionner le travail des enfants en portant des vêtements made in gamins de six ans ?
Quel sens peuvent avoir sur nos enfants ces demandes de la part de leurs parents ? Quel impact ce rôle qu'on leur demande d'endosser comme un jeu peut-il avoir sur leur perception du monde ? Quelles conséquences cette théatralisation de l'horreur peut-elle avoir sur leur psychisme ? Si c'est un jeu, ce n'est peut-être pas si sérieux ? Si c'est la réalité, pourquoi maman veut-elle que j'incarne cela ?
Et du côté des adultes ? Quel sens donner à cette demande faite aux enfants de sortir de leur position d'enfants d'un pays où on leur doit amour, respect, éducation, protection ? Quelqu'un m'a répondu il y a deux jours que c'était bien de montrer aux enfants que tout n'était pas acquis... Et moi j'ai répondu qu'ils le savent déjà : n'y en a-t-il pas de plus en plus qui ont peur de l'avenir en nous voyant galérer dans notre quotidien d'adultes ?