Le photographe Marc Melki capture depuis deux ans l’image de roms endormis dans les rues de Paris pour dénoncer le manque de prise en charge de l’État. Une démarche humaniste en dépit de maladresses qui brouillent parfois son objectif… Il met à présent en scène des personnalités, offrant à nos consciences engourdies une magnifique galerie de portraits agitatrice d’empathie et de solidarité baptisée « Exils Intra Muros ».
Marc Melki, photographe indépendant, travaille pour la presse (Libération, Le Monde, La Vie, Le Parisien Magazine, etc.) et la communication. Ses travaux personnels prennent le plus souvent forme de reportages, de séries de portraits « questionnant de l'appartenance à un groupe social, ethnique, philosophique, politique, poétique, religieux ou autre et de son engagement. Une ligne directrice qui me permet de dénoncer certaines injustices, d'aller vers l'urgence. Ou tout simplement de raconter des histoires de vie, des luttes ». Depuis près de deux ans, il dénonce la dureté des conditions de (sur)vie de familles roms dans les rues de Paris, cherchant à faire partager son indignation face à leur abandon par les pouvoirs publics.
Suggérer c’est créer. Décrire, c’est détruire
A propos de sa démarche, Marc cite Hervé Guibert « en dévoilant des corps familiers, des corps aimés, je ne fais qu'une chose énorme je crois c'est en tout cas tout le but de mon activité, de toute ma prétention créatrice, témoigner de mon amour ». Montrer les corps des familles roms dans l’intimité des bras si peu avenants de la Morphée du macadam suffirait largement à témoigner de cette situation indigne de notre pays qui se prévaut comme le parangon de la liberté, de l’égalite et de la fraternité.
Au petit matin, sous les auvents de magasins ou dans des cabines téléphoniques, il cadre avec une émotion maladroite les visages des familles sans les en avertir, sans même recueillir leur autorisation, même a posteriori… « Ne piétine pas les jardins secrets. Suggérer c'est créer : décrire c'est détruire. », disait Robert Doisneau. Ces photos prouvent la violence de la politique française à l’égard de ceux auxquels nos dirigeants ne laissent que très peu de chance de s’intégrer. Mais publiées dans la presse ou sur le Net, elles aggravent - si tant est que cela soit encore possible – le sort des familles roms pour lesquelles Marc s’engage : selon plusieurs témoignages concordants, ceux qui gèrent l’hébergement d’urgence ont à plusieurs reprises refusé de donner suite à leurs demandes arguant d’un prétendu « abandon antérieur d’hébergement »* basé sur la publication de photos non datées…
Une pétition en quête de relais
Marc Melki a impulsé une pétition qu’il convient de signer et de relayer pour que les pouvoirs publics mettent fin à cette situation « indigne pour ceux qui la vivent autant que pour ceux qui la tolèrent » et « humainement insupportable et immorale, politiquement stupide et suicidaire ». Néanmoins, cette requête gagnerait à être complétée et corrigée…
Le photographe évoque « la situation catastrophique de familles échouées dans Paris, dans le quartier de la Bastille », oubliant qu’elle est partagée par celles de la Place de la République, des Grands Boulevards, de la Place de la République, du Boulevard Sébastopol… Affirme qu’elles y demeurent « dans l’indifférence quasi générale », « sans l’aide de personne ou presque » et que « les enfants de tous âges ne sont pas scolarisés » en faisant l’impasse sur l’engagement de quelques dizaines de bénévoles associatifs qui ont très à cœur d’apporter une aide d’urgence concrète, d’orienter et d’accompagner dans les démarches et de scolariser les enfants.
Il ne témoigne ni de la démarche citoyenne des nombreux particuliers qui font preuve de solidarité au pied de leur immeuble, ni de la déontologie des journalistes qui préfèrent relayer la misère des roms parisiens sans alimenter le sensationnalisme dangereux dont usent et abusent certains marchands de papiers (Marianne, Valeurs Actuelles…).
Il conviendrait enfin que cette pétition rappelle que garant de la solidarité nationale, l’Etat détient la responsabilité de la prise en charge des sans-abris via l’hébergement d’urgence en perpétuelle crise chronique. Et que parmi les pauvres, les familles sont les plus mal loties : elles représentent la majorité des appels au 115, et sont les plus durement touchées par les réponses négatives. Lorsqu’elles ont de la chance, c’est principalement vers des hôtels sociaux** qu’elles sont orientées pour quelques nuits. La Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars) dénonce régulièrement un dispositif qu’elle juge « coûteux et de mauvaise qualité » et dont elle regrette qu’il ne soit mobilisé que « ponctuellement en fonction des températures et des moyens financiers encore disponibles ». Quand elles sont étrangères, ces familles ont encore moins d'issues.…
Et si c’était vous ?
Là où la démarche de Marc Melki touche au génie, c’est quand il n’hésite pas à dégainer son carnet d’adresse pour en appeler à des personnalités médiatiques qui, le temps d’une photo, suscitent l’empathie sous forme d’interrogation : « et si c’était vous ? ».
Sanseverino, Imbert Imbert, Mourad Musset et Julie Sauret, artistes ; John Paul Lepers, grand reporter ; Antoine Ly, journaliste radio-TV ; Louis de Gouyon Matignon, auteur, conférencier et chroniqueur, président du Parti européen et de l’association Défense de la Culture Tsigane ou Eliette Abécassis, écrivain, sont les premières figures de cette galerie de portraits baptisée Exils-Intra Muros. Voilà comment la photo peut-être un formidable vecteur de solidarité et de changement.
Et le travail de bien des photographes humanistes est indispensable dans cette France où la crise renforce le terrible piège du « chacun pour soi » tendu par une politique de l’exclusion honteuse.
Mais n’oubliez pas avant tout d’ouvrir les yeux quand vous sortez de chez vous !
* ** Les longues notes complètant cet article et d'autres photos sont à découvrir sur notre site


Témoignage
« Je vous aime beaucoup Madame Hidalgo , mais je suis au regret de vous dire que pour la première fois à 53 ans je vais voter nul. En effet je suis écœuré par la politique discriminatoire suivie par Mr Hollande Ayrault et Valls envers les Roms et sans aucune distinction entre les réseaux mafieux et des familles dans une misère épouvantable. J'ai travaillé bénévolement durant trois ans, deux après-midi par semaine au sein d'une association de domiciliation dans le 17e. Ne supportant plus de mettre à la porte à l'heure de la fermeture du local, en plein hiver, parfois sous la pluie, des femmes des enfants voir des bébés refusés d'hébergement parce qu’ils sont Roms, j'ai quitté l'association. Seriez vous capable Madame Hidalgo de soutenir le regard de ses enfants, souvent très jeunes, au moment de les mettre à la rue ? Ou pensez vous comme Valls (que je ne nome pas Monsieur !) qu'ils soient tous des futurs délinquants qu'il faut mépriser à tout prix parce que pour gagner une élection il faut désormais singer l’extrême droite ? Je n'attend pas de réponse bien entendu , je ne suis pas naïf à ce point. Si ce n'est de quelques militants qui font de la politique comme on va au stade soutenir une équipe de stars. Je pousse un coup de gueule pour la première et la dernière fois ! Après tout je ne suis qu'une seule voix et le PS une voie sans issue politique. Tout mes respect malgré tout Madame Hidalgo.»