On ne va pas vous faire le coup des paysages grandioses, et de ces hameaux perdus sous la neige autour d'Ushuaïa, tout au Sud de la Patagonie argentine. Liverpool, film de Lisandro Alonso au titre trompeur, en salles le 5 août, se situe du côté des frimas et des glaces. Autant prévenir, c'est une expérience aride du grand froid, plutôt qu'une mise en images du bout du monde pour touristes nostalgiques.

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Farrel est marin depuis vingt ans à bord de gigantesques porte-conteneurs. Il demande à son capitaine l'autorisation de descendre à terre quelques jours, à Ushuaïa, pour retourner dans son village natal. Un léger cran en deçà des précédents opus d'Alonso (La Libertad, Los muertos), ce trip intime et hivernal, la bouteille de vodka jamais loin, vaut avant tout pour une chose : l'apparition d'un grand acteur à l'écran. Une sorte de symétrique latino de Kang-sheng Lee, comédien fétiche du réalisateur Tsai Ming-liang. Tandis que le Taïwanais s'abandonne dans les décors de ses films jusqu'à la dilution, l'Argentin (Juan Fernandez, inconnu jusqu'alors) fait à peu près l'inverse : plus il s'avance dans l'épaisseur de la forêt, plus son corps souffre et gagne en densité. D'où la belle idée des dernières vingt minutes de ce film découvert à Cannes l'an dernier (Quinzaine des réalisateurs), construites, sans en dire trop, sur le souvenir de ce corps, sur les traces de sa présence encore fraîches. Où Juan Fernandez rejoint Kang-sheng Lee dans la disparition - incontestable séquence émotion.
La bande-annonce pour la sortie espagnole du film, au printemps dernier.