Dans un récent livre d'entretien, Manuel de survie (Editions Capricci), Werner Herzog revenait longuement sur son amitié avec l'écrivain Bruce Chatwin. Deux figures d'aventurier dont les œuvres n'ont cessé de se frôler et de se nourrir. «Bruce Chatwin avait un vieux sac à dos à l'ancienne, en cuir, datant des années 30. Un sellier anglais l'avait fabriqué spécialement pour lui. Il avait toujours dix livres dedans, ceux qu'il aimait le plus [...]. J'ai ce sac à dos avec moi maintenant, Chatwin me l'a donné quand il est mort.» Cobra Verde (1987), qui vient de sortir en DVD, est une libre adaptation, la seule à ce jour dans la filmo de Herzog, d'un récit de Chatwin, intitulé Le vice-roi de Ouidah. C'est aussi, pour entretenir la mythologie, la dernière des cinq collaborations entre le comédien Klaus Kinski et le réalisateur allemand, quinze ans après Aguirre (1972), et cinq ans après le sublime naufrage Fitzcarraldo (1982).
Agrandissement : Illustration 1
Cobra Verde retrace le parcours d'un bandit brésilien, Francisco Manoel da Silva, blanc de peau, crinière blonde et yeux bleus, qui fait fortune dans le commerce des esclaves noirs, à force d'allers-retours tumultueux entre le Brésil et le Dahomey (actuel Bénin). Les fans de Herzog, s'ils ne connaissent déjà, vont adorer : la nature dans toute sa puissance, des portraits de marginaux et de «désaxés», des scènes de combats, d'évasion et de transe... Avec, au cœur du film, la métamorphose de Klaus Kinski, plus tout à fait le sur-homme qu'il a joué par le passé, dévoilant des faiblesses d'un personnage violent et fatigué par l'Histoire.
> Le coffret de deux films de Herzog, Cobra Verde et Ennemis intimes, éditions Potemkine, 29,90 euros.
> Retrouver ici notre diaporama sur la filmo Herzog, et quelques minutes d'entretien avec le maître, publié à l'occasion de la rétrospective au centre Pompidou, fin 2008.