
D'emblée, saluer la beauté du geste - la sortie, en DVD, en plein cœur de l'été, des deux premiers longs métrages de fiction, peu connus, de Hirokazu Kore-eda, primé à Cannes pour Nobody knows (2004), et dont on peut encore voir le dernier opus, Air Doll, dans les salles françaises. Réalisés à quatre ans de distance, Maborosi (1995) et After Life (1998) sont de splendides films jumeaux, l'un tourné depuis le monde des vivants, l'autre depuis celui des morts. Né en 1962, formé au documentaire, souvent éclipsé à l'international par des cinéastes plus évidents issus de sa génération (Nobuhiro Suwa, Kiyoshi Kurosawa, etc), Kore-eda s'applique ici à filmer ce qu'il maîtrise le mieux: la chasse aux souvenirs, les traces laissées par les morts, la mélancolie et les contre-jours.
After Life suit le quotidien du «personnel des limbes». Une administration tout entière, chargée d'accueillir ceux qui viennent de mourir, et de recueillir l'unique souvenir de leur vie qu'ils souhaitent conserver à jamais. Un plaisir culinaire, un suicide raté, une sortie à Disneyland, une chorégraphie d'enfance dans un bal populaire... Ce fragment sera ensuite reconstitué, mis en scène et filmé. Chaque mort pourra enfin accéder au monde de l'au-delà après avoir assisté à la projection d'un ersatz de souvenir. De cette intrigue angoissante, qui sous-entend au passage que même mort, point de repos, Kore-eda, en lointain Atom Egoyan nippon, tire un film de fantômes tout en douceur et lumière laiteuse, sans doute un peu trop corseté par le dispositif, mais qui s'autorise des échappées romanesques bouleversantes dans sa dernière demi-heure.
Bande-annonce, en anglais (il existe aussi une bande-annonce en VO non sous-titrée):
A partir d'un récit plus classique (le deuil impossible d'une jeune femme dont le mari s'est suicidé sans laisser de traces), Maborosi décrit la figure inverse: la porosité du monde vivant aux souvenirs des défunts. Mais autant After Life avance, explicite et sûr de son dispositif, autant Marobosi, plus secret et vaporeux, est impossible à dompter. Ce premier essai, que Kore-eda tourne à 23 ans, enchaîne des compositions très maîtrisées (la scène de la gare, le long de l'eau...), et multiplie les clins d'oeil, en intérieur, aux films d'Ozu, nous dit le critique Charles Tesson dans un bonus utile. Au-delà de sa virtuosité plastique, Maborosi trouble surtout quand il parvient à capter l'absence de joie de vivre de son héroïne - les scènes de transport muettes sont intenses.

Les deux DVD sont édités par les éditions Potemkine-Agnès B. Ils sont en vente, depuis le 4 août, au prix de 16,90 euros chacun. Plus d'infos ici.