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Billet de blog 10 février 2009

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La «neue deutsche Welle» en DVD

En ces temps de Berlinale (la 59e édition court jusqu'au dimanche 15 février), révisons nos fondamentaux. En allemand, la Nouvelle vague se dit neue Welle. Et la Nouvelle nouvelle vague, pour ceux qui suivent, neue neue Welle.

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En ces temps de Berlinale (la 59e édition court jusqu'au dimanche 15 février), révisons nos fondamentaux. En allemand, la Nouvelle vague se dit neue Welle. Et la Nouvelle nouvelle vague, pour ceux qui suivent, neue neue Welle. Au-delà d'une poignée de films récents et gros cartons à l'étranger, de Good bye Lenin! à La vie des autres, l'Allemagne assiste, ces derniers temps, à l'éclosion d'une génération de cinéastes sombres et exigeants. Ils vivent à Berlin, se connaissent tous plus ou moins, sont sortis diplômés de la même école (la DFFB, pour Ecole de cinéma et de télévision de Berlin), et collaborent, pour beaucoup, à la très chic revue de cinéma Revolver (lancée en 1998 par Christoph Hochhaüsler, passé depuis à la réalisation, avec succès). Précaution d'usage : ne pas forcer le trait, et éviter de verser dans l'enthousiasme naïf pour un nouveau Kino fantastique.

Illustration 1
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En attendant la sortie française fin avril d'un doublé de Christian Petzold, le travail de fond mené par l'éditeur La vie est belle permet de se confronter, en DVD et au plus près, à quelques-unes de ces œuvres sèches et rongées par la dépression. A commencer par les films d'Ulrich Köhler (né en 1969) et d'Angela Schanelec (1962), un cran au-dessus de leurs collègues, qui ont chacun droit à leur disque. On ne parlera ici que de cette dernière, ex-comédienne de théâtre, cinq longs-métrages au compteur, dont Marseille (sorti en France en 2005) et Nachmittag (2007, inédit).

Mouvement d'essuie-glaces à l'origine de Marseille, où Sophie s'égare dans la ville méditerranéenne le temps des vacances, avant de retrouver son appartement allemand. Scènes maîtrisées de déambulations et d'errance en terres étrangères, et clin d'œil appuyé à Antonioni. A l'inverse, Nachmittagaprès-midi») travaille le motif de l'ancrage, de la dérive impossible et du pourrissement des racines, à travers une adaptation flottante de La Mouette, de Tchekhov, en bordure de lac (de l'eau stagnante, précisément). Au passage, Schanelec livre une série de portraits glaciaux d'artistes en devenir (Konstantin l'écrivain, Sophie la photographe) ou confirmés (Irene, comédienne reconnue, incarnée par Schanelec herself, ou son amant metteur en scène, dans Nachmittag).

Illustration 2
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Les thèmes ne sont pas neufs (fissures familiales, rapports de force, solitudes et rancœurs) mais Schanelec choisit la mise à distance. Un regard lointain, a minima, qui tranche avec des pans entiers de cinéma contemporain, tellement obsédés par la dislocation de la cellule familiale qu'ils la regardent de trop près et loupent l'essentiel - voir la grande majorité des home movies. A proprement parler, ce n'est pas grand chose (une poignée d'ellipses, quelques plans larges et moites) mais ces partis pris changent tout. Et comme Köhler, Schanelec dévoile une belle attention pour les lieux sans nom, mal déterminés, traces parmi d'autres d'une société de consommation toujours menaçante, et qui finit par aiguiser un peu plus les névroses de ses personnages : le centre commercial dans Marseille, le grand hôtel perdu dans la forêt de Montag, le quartier de la maison familiale, ni tout à fait ville, ni tout à fait campagne, dans Nachmittag.

>> Marseille, Nachmittag : 1 DVD, La vie est belle, environ 20 euros. On trouve également dans l'impeccable catalogue de l'éditeur, des films d'Ulrich Köhler, Christoph Hochhaüsler et Henner Winckler, autres figures de proue du nouveau Kino. A découvrir en attendant le sixième film de Schanelec, qu'elle tourne cette année en France, avec Natacha Régnier et Bruno Todeschini.

>> Les photos sont tirées de Nachmittag.