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Billet de blog 19 mai 2008

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Pour qui sont ces voyous qui tapent sur nos têtes ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A propos du clip Stress de Justice et de sa bande de jeunes en virée pour casser et taper à tout va, certains ont évoqué Orange mécanique de Kubrick. L’ultra-violence d’hier rejoint celle d’aujourd’hui, déplacée sur une autre scène : les banlieues françaises en colère. Evidemment, la bande d’Alex n’a à peu près rien à voir avec celle des «casseurs» de Justice ; il y a belle lurette que plus personne ne regarde Orange mécanique ; comme le reste, les films ne sont plus que de «pauvres souvenirs», des étiquettes pour le tout-marketing ; Kubrick et la violence gratuite, c’est bon, coco !

Sur ce clip interdit de télé, mais qui cartonne sur Internet, on a donc droit à polémique et à débats sans fin du type «Pourquoi tant de haine ?», «L’image fait-elle mal en vrai ?». On laissera aux experts répondre à ces questions cruciales et on leur conseillera la lecture de l’excellent livre d’Alain Brossat – Le grand dégoût culturel aux éditions du Seuil – qui explique bien comment ce genre de produit culturel – un petit film violent qui fait parler de lui – a des conséquences réelles inversement proportionnelles à la logorrhée qu’il suscite.

Ce qui me questionne dans cette affaire, c’est d’abord un petit détail : le réalisateur Romain Gavras est le fils de Costa Gavras, l’homme de L’Aveu, de Z, des «films-débats» typiques du post-68, des films engagés comme on dit de moins en moins ; à peu près tout le contraire de cette bande d’images glauques qui se fout totalement de son public et de ses personnages. Du père au fils, il y a là comme un cas psy intéressant à débattre. La deuxième question concerne le destinataire du clip : pour qui sont ces voyous qui tapent sur nos têtes ? On a le sentiment que le film ne s’adresse à personne, entendons par là, qu’il ne semble exister qu’en jouissant de sa (petite) forme, mélange ultra-manipulateur d’effets de réel et de fictions de baston.

Après l’avoir vu, j’ai pensé à un autre film de Kubrick, Full metal Jacket. A la fin de la première partie, Pyle, le bon gros soldat, bon tireur et bouc émissaire de sa section flingue son sergent instructeur et se tire une balle dans la tête. Avant son suicide, il se parle à lui-même et évoque un «World of Shit», un «monde merdique». Le clip de Justice appartient à ce registre du «merdique» évoqué par Pyle. C’est quoi le «merdique» dans notre univers culturel ? Un truc qui désespère tout le monde et qui ne s’adresse à personne, un produit qui fonctionne au nom de rien, just for fun. Stress est un clip qui ne sert à rien. Et ce n’est même pas grave !

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