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Billet de blog 21 avril 2008

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Aux confins vécus du rêve et du réel

 Dans ABCésaire, formidable livre buissonnier conçu à partir d’heures de conversations d’Aimé Césaire avec Euzhan Palcy et Annick Thébia-Melsan - qui accompagne le coffret DVD Aimé Césaire, une parole pour le XXème siècle - des phrases d’une justesse fulgurante sur l’identité, la liberté, ce que l’homme porte en lui de plus inaliénable.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans ABCésaire, formidable livre buissonnier conçu à partir d’heures de conversations d’Aimé Césaire avec Euzhan Palcy et Annick Thébia-Melsan - qui accompagne le coffret DVD Aimé Césaire, une parole pour le XXème siècle - des phrases d’une justesse fulgurante sur l’identité, la liberté, ce que l’homme porte en lui de plus inaliénable.

Et sur la création :

« Le poète est cet être très vieux et très neuf, très complexe et très simple, qui aux confins vécus du rêve et du réel, du jour et de la nuit, entre absence et présence, cherche et reçoit, dans le déclenchement soudain des cataclysmes intérieur, le mot de passe de la connivence et de la puissance. (…) »

Quand les mots, par leur précision indéfectible, résonnent – et non « raisonnent » - au plus profond de nous… Quand les mots par leur portée tellement concrète, nous ouvrent les portes d’un univers infini…

Aimé Césaire, que sa disparition remet dans les feux de l’actualité. Aimé Césaire, antidote à lui tout seul du fantasme de l’artiste retiré dans sa tour d’ivoire ; Aimé Césaire, dont la limpidité des mots s’ancre au plus intime de son lecteur, effaçant cette frontière arbitraire tracée entre la vie et la littérature.

L’artiste les deux pieds dans le monde, non pour se confesser mais pour raconter la vie, c’est-à-dire la questionner. Dans Une histoire d’amour et de ténèbres, Amos Oz renddéfinitivement caduque la problématique de l’autobiographie, tellement oiseuse quand elle est réduite à la question de savoir « ce qui s’est réellement passé » :

« Etablir un parallèle non entre le personnage du récit et divers scandales de la vie de l’auteur, mais entre le héros de l’histoire et votre ego intime, dangereux, misérable, dément et criminel, la terrifiante créature que vous enfermez au secret pour que personne n’en soupçonne jamais l’existence. (…)

Ne demandez pas si ce sont des faits réels. Si c’est ce qui se passe dans la vie de l’auteur. Posez-vous la question, sur vous-même. Quant à la réponse, gardez-la pour vous-même. »

Alors me revient en mémoire la vision d’Esther Kahn, les vision car j’ai vu le film plusieurs fois, avec toujours la même émotion qui me donne envie de m’exclamer : « Esther Kahn, c’est moi ! » Non parce que l’héroïne serait « ceci ou cela » qui me ressemble mais parce que sa trajectoire, chaotique et coupante comme le verre que la jeune femme introduit dans sa bouche au risque de la mutilation, m’empoigne pour me mettre face à mon propre instinct de vie.

Avec Esther Kahn, se demander : «C’est quoi naître à la vie? C’est quoi ma vocation ?»

Claire Vassé

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