Billet de blog 8 mars 2009

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Panique sur la téléphonie mobile

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis quelques semaines, un véritable vent de panique souffle sur la téléphonie mobile. Les portables et plus encore les antennes relais présenteraient de sérieux risques pour la santé des populations. Mais cette panique ne concerne pas l’opinion publique. Elle touche les opérateurs de téléphonie mobile et plus encore les pouvoirs publics. L’annonce de l’organisation, en urgence, d’une table ronde intitulée « Radiofréquence, santé, environnement » le 26 mars prochain en témoigne.

Il aura fallu plusieurs arrêts de tribunaux civils, ordonnant le démontage d’antennes relais accusées d’être à l’origine de troubles anormaux du voisinage en raison du risque pour la santé qu’elles représenteraient, pour que le gouvernement annonce : 1) d’abord un « Grenelle des antennes », puis 2) une réunion abordant l’ensemble des sources de radiofréquence, enfin 3) une table ronde centrée uniquement sur la téléphonie mobile (antennes et portables). Le périmètre changeant témoigne d’une difficulté à cerner exactement le problème. Et peu importe que le raisonnement des juges des TGI de Nanterre, Carpentras et Angers, ou de la Cour d’Appel de Versailles, présente de sérieux problèmes sur le fond : il y a panique en la demeure.Les raisons ? Elles sont au nombre de trois. Tout d’abord, les opérateurs sont tenus de respecter des cahiers des charges qui ont été élaborés par le ministère de l’Industrie, et qui fixent notamment des niveaux de couverture et de qualité du service. Aussi, lorsque les opérateurs déploient des antennes, c’est dans le respect de clauses définies par l’Etat. Ce qui signifie que la responsabilité de ce dernier est directement engagée (même si pour l’instant, les arrêts n’ont concerné que les opérateurs). Ensuite, ces arrêts coïncident avec la vente d’une 4e licence de téléphonie mobile. Concrètement, cela signifie que le futur 4e opérateur devra rapidement déployer plusieurs milliers d’antennes pour respecter son cahier des charges. Tâche qui risque de se révéler ardue au moment où les trois autres opérateurs sont contraints de démonter les leurs ! Au passage, les arguments justifiant la vente de cette 4e licence laissent sans voix : dynamiser un marché saturé en faisant baisser les prix. En clair, vendre encore plus de téléphones portables, encourager les clients à en posséder plusieurs, bref relancer un secteur qui connaît un ralentissement dû au fait que nous possédons tous un portable. Enfin, troisième raison, l’Etat est responsable de la sécurité sanitaire de la population, et le gouvernement actuel n’a aucune envie de se retrouver devant une réédition du scandale de l’amiante.La réponse consiste donc à réunir l’ensemble des parties concernées le 26 mars autour du Premier Ministre, signe de l’importance que l’Etat accorde à cette question, afin de faire le point et d’aboutir … mais à quoi au juste ? Là est la question. Clairement, il s’agit de mettre fin à la multiplication de procès devant la justice civile qui aboutissent au démontage des antennes. Mais on constate un grand absent dans cette table ronde : le ministère de l’Industrie. Normal, direz-vous, la réunion ne porte que sur la santé. Oui, mais c’est précisément là que se situe le problème. Car depuis 2000, l’Etat s’obstine à traiter séparément les questions de santé liées à la téléphonie mobile : avec le résultat que l’on connaît, à savoir que cette question est toujours là et ne cesse d’enfler. A aucun moment n’a-t-il été question d’organiser un débat ou une expertise plus large comparant les possibles effets sanitaires des antennes ou des portables avec les bénéfices et les retombées de la téléphonie mobile. Car après tout, nous tolérons tous les jours des activités qui présentent des risques graves et avérés pour la santé, pour la simple raison que nous jugeons leurs retombées ou bénéfices supérieurs. Autrement dit, nous acceptons un niveau de risque (que nous pensons, par ailleurs, pouvoir gérer individuellement dans bon nombre de cas). Un exemple ? Prenons l’automobile. Nous acceptons qu’il y ait encore plusieurs dizaines de milliers de morts, de blessés et de personnes handicapées sur les routes tous les ans. Nous acceptons parallèlement un niveau de pollution de l’air dans nos villes qui conduit aussi à plusieurs milliers de décès et de maladies cardiaques et respiratoires. Certes, nous n’avons jamais eu de « débat de société » pour trancher cette question. Mais de fait, c’est bien le résultat. Or, sur la téléphonie mobile, c’est tout le contraire. Nous ne parlons que des possibles risques sanitaires, des juges croient déceler dans les rapports qu’ils lisent des preuves de l’existence d’un risque, qu’au nom du principe de précaution ils jugent inacceptable, exigeant donc le démontage des antennes. Que ces antennes remplissent une fonction importe peu. A ce stade, il y un simplement risque inacceptable.Par conséquent, les opérateurs paniquent, car l’ensemble de leur réseau est dorénavant menacé. Et les pouvoirs publics paniquent car cette affaire pourrait rapidement leur retomber dessus. En revanche, la population elle ne panique pas. Mais à force de voir les pouvoirs publics faire n’importe quoi, elle risque à son tour de se poser de sérieuses questions !

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