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Billet de blog 4 novembre 2008

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Élection américaine: La guerre du punk aura t-elle lieu?

À quelques heures de la désignation du nouveau maitre du monde, NoiseNews.net se penche sur un micro-phénomène récent : l’institutionnalisation politique du Punk-Rock américain. 

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Illustration 1

À quelques heures de la désignation du nouveau maitre du monde, NoiseNews.net se penche sur un micro-phénomène récent : l’institutionnalisation politique du Punk-Rock américain.

[Pour bénéficier d'un confort de lecture optimal avec notamment, tous les liens hypertextes, et une mise en page maitrisée, vous pouvez consulter cet article sur NoiseNews.net. ]

Hier, Les Inrocks relayaient une info : Linda Cummings, la veuve de Joey Ramone se déclarait républicaine, et annonçait que les Ramones auraient soutenu McCain. Immédiatement, le frère de Joey, Mickey Leight (également président de la Ramones Production) rectifiait en précisant que Linda Cummings ne pouvait en aucun cas parler au nom des Ramones, et qu’il était fort peu probable que l’auteur de The KKK took my baby away se soit rangé dans le camp républicain.

Pourtant, ce n’est pas la première fois que le nom du gang New-yorkais est associé au conservatisme politique.

Illustration 2

En 2004, Johnny Ramone avait rejoint le camp du Conservative Punk lancé par Michale Graves, qui fût chanteur des Misfits dans leur période de déliquescence suite au départ de Glenn Danzig. Ce curieux rassemblement, essentiellement fédéré par ce site internet un peu flippant, a en fait été initié en réponse au site Punk Voter, et aux compilations Rock Against Bush, montés Fat Mike, le bassiste-chanteur de NOFX, fermement engagé du coté démocrate. Johnny Ramone, paix à son âme, s’est éteint moins de deux mois avant la réélection de Georges W. Bush en 2004.

Ainsi, l’anarchisme originel du Punk-Rock s’est fondu dans le bipartisme. Étonnant ? Pas si sur, juste un signe du temps en fait. L’étude des sites des deux mouvements permet de mettre à jour le ligne de discrimination. Elle est simple, il s’agît de la guerre en Irak.

Illustration 3

Pour le camp Punk Voter, on s’en doute, l’Irak est un nouveau Vietnam, alors que pour Conservative Punk, il s’agit d’une lutte pour la liberté. La nouveauté c’est donc que les deux actent sur le terrain institutionnel, en soutenant ouvertement un candidat et un parti. NOFX, le groupe de Fat Mike, tout comme Jello Biaffra (ex-chanteur de Dead Kennedys, également fondateur du mouvement et candidat à l’investiture du Green Party en 2000 contre Ralph Nader) s’étaient jusqu’alors illustrés par des propos plus radicaux, ouvertement hostiles à l’ultra-libéralisme, et à l’exploitation des pays du sud par ceux du nord. Toutes les choses, fussent-elles les meilleures auraient-elles un fin ? même la rébellion ? Ou bien un temps de crise justifie t-il un choix, qui aurait été perçu comme entre la peste et le choléra 10 ans auparavant ?

Toujours est-il que Propagandhi, l’un des groupes phares de Fat Wreck Chord, le label dirigé par Fat Mike, a rompu son contrat, et a dédié un très ironique « Rock for a sustainable capitalism » a ceux qui pour eux se sont dévoyés en dinant à la soupe partisane.

Illustration 4
L'immonde pochette de la compilation Operation United forces HxC

Si à gauche, les dangereux anarchistes se sont transformés en gentils démocrates, de l’autre coté du front, le camp du punk réactionnaire s’est lui aussi assagi [1]. Il n’est plus question de supériorité de la race blanche comme aux tristes heures du RAC [2]. Les Conservative Punks ressemblent bien à s’y méprendre à de bon gros rednecks adhérents à la NRA qui croient dur comme fer en la guerre contre le terrorisme. Mais ne sont plus des skinheads ou des encagoulés du Klan en puissance.

À bien regarder, Conservative Punk semble même assez symptomatique d’une absence de conscience et de culture politique. L’organisation est assez proche d’Operation United Force HC, qui a produit une compilation de Hardcore (fort peu distingué, il faut bien le dire…) en soutien aux soldats en Irak. Parmi les groupes présent sur cette compil, on est plutôt surpris de trouver 25 Ta Life, et surtout Bouncing Souls qui en 2003 côtoyait la crème du street-punk au sein d’une compilation très différente, destinée à soutenir dans ses frais de justice un jeune noir accusé à tort [3] d’avoir tué un agent de police : Against Police Injustice.

Post-Scriptum

À l’aube des années 1980, le mouvement Punk se radicalise des deux cotés de l’atlantique. L’anarchisme adolescent bon teint des Sex Pistols ou le socialisme instruit du Clash s’étendent au véganisme, à l’antispecisme, à l’anti-consumérisme radical… Les groupes de hardcore américains se revendiquent d’une philosophie dite Straight-edge. Il est question de refuser l’usage des drogues et même de l’alcool pour rester vigilant face au système, et d’entretenir sa forme physique, notamment pour être prêt à lutter. Dans le plus anecdotique des cas, le groupe Youth of Today prônera l’abstinence pour garder un esprit vigilant, exempt de toutes formes de dépendances. Le leader Ray Cappo s’est ensuite converti au Hare-Krishna, et a fondé, avec son Nouveau groupe Shelter, le style dit du Krishna-Core.

Si les principaux acteurs du mouvement : Dead Kennedys, Bad Brains, Black Flag, Minor Threat (qui pour l’essentiel deviendra Fugazi) sont très actif à l’extrême gauche, un frange du Hardcore, influencé par les boneheads [4] anglais verront dans cette discipline quasi-militaire et ce culte du corps une exaltation fasciste.

Ainsi naissent deux mouvement internationaux : le RAC [5] et le RASH [6] (ou SHARP [7]).

Notes

Notes

[1] voir Post-Scriptum en pied de page

[2] Rock Against Communism

[3] c’est en tout cas ce qu’en a conclu la cour de la Nouvelle Orleans, puisqu’aujourd’hui, Ahmad Nelson est libre

[4] skinheads néo-nazi

[5] Rock Against Communism

[6] Red and Anarchist Skinheads

[7] Skinheads Against Racial Prejudice

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