Parisiens établis à Londres et signés sur One Little Indian, un label anglais qui compte dans le petit monde du Rock indépendant, Underground Railroad s’offre avec Sticks and Stones un album américain. Mais pourquoi la presse rock française continue t’elle d’ignorer ce groupe ?
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Disque américain tout d’abord parce que bien qu’Underground Railroad se déclare bien accueilli par la scène shoegaze anglaise, leur choix a toujours été fait entre l’agressivité de Sonic Youth et les insaisissables volutes de My Bloody Valentine. Quoiqu’avec Sticks and Stones, le groupe s’émancipe un peu de l’héritage des New-Yorkais, l’ombre de Thurston Moore continue de planer sur les riffs et les mélodies dissonantes.
Disque américain aussi parce qu’il a été enregistré à Seattle, et mis en boite par John Goodmanson, qui a notamment travaillé avec Blonde Redhead, Bikini Kill ou The Gossip.
Disque américain, enfin, si l’on considère toutes les fées aux cheveux gras qui se sont penchées sur les bandes d’enregistrement de Sticks and Stones. On citera brièvement Soundgarden, pour les filtres sur les voix de Poems for Freaks, Sticks and Stones, ou le break de Kill me now, Nirvana, pour le final de l’apocalyptique NYC (money money), Velvet Underground sur Stuff in your pocket, ou de façon moins évidente Smashnig Pumpkins (période Mellon Collie and the Infinite Sadness) sur Six pieds sous terre.

Mais il serait injuste de se contenter de faire du name-dropping pour qualifier ce disque. Justement parce que, si Twisted Trees (2006), le premier album d’Underground Railroad trahissait ses influences de façon un peu trop évidente (attention, le disque était tout de même d’une belle facture), Sticks and Stones permet au groupe de dépasser ce cadre et d’imposer son propre univers.
Ce monde est fait de guitares zonardes, de batteries saturés et de basses qui martèlent la note lourdement. Sticks and Stones opèrent de constants va-et-vient entre une atmosphère lourde et oppressante (Sticks and Stones, NYC, One More Hit, New Variety…) et des mélodies plus légère, presque pop et faussement naïves (25, Kill me now, Six pieds sous terre), sans que jamais aucun des aspects de prenne l’ascendant sur l’autre. Au détour, on pourra croiser également des hymnes incantatoires psychés (Stuff in your pocket, New Variety…).
L’objet est un ensemble cohérent dont on ne peut rien distraire. La boucle entêtante de Idealize semblant clore le chemin emprunté 38 minutes plus tôt avec Poems for freaks et son final « chorale de sales gosses ».
Le thème de la mort revient constamment, de façon parfois un peu puérile, mais l’écriture en anglais permet ça. Jusque dans la pochette, d’une sobriété rarement vu. Tout en blanc, à l’exception de quelques œuvres tirées de la collection Death by instruments de l’artiste Kristy Harris. Là encore, une mise en scène fraiche et naïve de la mort.

Reste ce mystère : le silence de la presse française au sujet de ce groupe. Twisted Trees, qui valait déjà largement plus que de nombreuses bananes dont la presse spé nous régale était sorti sur le petit label Lyonnais Dirty Witch, Underground Railroad écumait plutôt les scènes punks, et n’avait guère de visibilité que par la confidentielle distribution des gentils punks existentialistes de Guerilla Asso. On peut pardonner le fait que personne ne les ait vu au milieu de tout ça.
Mais aujourd’hui, un important label leur permet d’aller enregistrer aux États-Unis avec un grand producteur, la presse anglaise les encense régulièrement, ils ont ouvert pour Dinosaur Jr. et s’apprête à tourner avec Nada Surf en France, mais surtout : Le disque est très bon. Mais non, rien à faire. Trop occupé à mettre Julien Doré ou Oasis en couv’ surement…
Tant pis pour eux, puissent-ils ne pas être pardonné le jour du jugement dernier, car ils savent très bien ce qu’ils font. En attendant, on se répètera la phrase qui clôt Sticks and Bones : The Future don’t exist.