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Silence

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Billet de blog 10 mai 2011

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The Kills: pression artérielle en hausse

Avec leur nouvel album, Blood Pressure, Alison Mosshart et Jamie Hince demeurent fidèles à l'énergie venimeuse qui imprègne leurs toujours rêches et pourtant voluptueux face-à-face, où s'entremêlent urgence physique et dilettantes imprécisions.

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Avec leur nouvel album, Blood Pressure, Alison Mosshart et Jamie Hince demeurent fidèles à l'énergie venimeuse qui imprègne leurs toujours rêches et pourtant voluptueux face-à-face, où s'entremêlent urgence physique et dilettantes imprécisions.

Après une rencontre improbable dans un hôtel londonien, des échanges d'enregistrements cassettes par-dessus l'Atlantique où sont tentés mélodies et arrangements, lui vivant en Angleterre elle aux États-Unis, après une longue tournée remarquée tant par le public que par les producteurs, les Kills entrent dans les studios Toe Rag où un autre duo féminin-masculin, les White Stripes, viennent d'enregistrer le démentiel Elephant. Le premier LP des Kills, Keep on your mean side, sort en 2003.

Extrait de Keep On Your Mean Side © The Kills

Alors que l'esthétique rock peine à retrouver du souffle, saturée par une multitude de petits groupes anglais en The proposant souvent un bavardage adolescent sans envergure (excepté les White Stripes donc), les Kills parviennent vite à imposer leur aura. Minimaliste et incarnée, leur musique inspire le contact, la griffure, un blues érotique et direct, subtile pourtant. Leurs chansons sont portées par la voie réservée, douce et néanmoins terriblement licencieuse d'Alison Mosshart, alias VV, dont le timbre épouse à merveille la guitare nerveuse et obsessive de Jamie Hince, alias Hotel. Pour garder cette alchimie intacte, les Kills ne s'emcombrent pas d'un batteur: ils se contentent d'une boîte à ryhtme. Et l'esprit do it yourself qui guide leur démarche imprime une authenticité rafraîchissante à leur tandem. En résulte une imparable spontanéité, intacte de toute fasitidieuse sophistication, en prise directe avec les aspérités par lesquelles le charisme écorché des deux musiciens se laisse sentir. À l'écoute, la sulfureuse attraction qui se joue entre eux excite nos propres chairs. Jouissif, Keep on your mean side est un disque torride, habité par l'évidence des grands disques de rock.

Extrait de Keep On Your Mean Side © The Kills

La tension monte d'un cran avec la sortie du second album, Now Wow (2005). Jamie Hince transforme l'électricité en matière : il la taille, l'injecte, la répand, la refoule comme un sculpteur en prise avec un matériau insoumis et provisoire. L'album est plus sombre, rayé de convulsions noires, ambigües. Sur scène, les Kills se toisent, l'espace vide qui les sépare les éprouve, ils s'attirent comme deux aimants malades, se touchent irrémédiablement. Apaiser une sorte de douleur vive, on ne sait quel poison fécond. Corps significatifs, ardents. La guitare de Jamie Hince semble éprise de pulsations cardiaques, atteinte.

Extrait de Keep On Your Mean Side © The Kills

Leur troisième album, Midnight Boom(2008), est un peu plus lumineux, parfois même ludique, pop, avec quelques inserts électros. De jolies ballades, comme l'aérienne Black Balloon, alternent aux pistes toujours fièvreuses du duo (U.R.A Fever), à la rage sans concession de Jamie, tempérée seulement par les feulements irrésistibles d'Alison (Tape Song, Last Days Of Magic). Le rythme se complexifie un peu, un travail est effectué sur les basses, l'hypnose gagne en rondeur. Une musique plus complète, plus variée.

Satellite © The Kills

Avec Blood Pressure, les Kills explorent de nouveaux territoires sans pour autant s'éloigner de leur artisanat originel. Un peu plus déliée, l'intensité demeure. Elle gagne même en amplitude. «Nous avons juste cherché une manière satisfaisante de combler les pauses, les respirations et les silences», confiait Jamie Hince à propos de leurs nouvelles chansons. Plus harmonieux, plus solide, plus entraînant aussi, ce quatrième album est d'une classe inaltérable, enthousiasmante, un exercice rare où le grain, la texture sonore et la réussite mélodique conïcident parfaitement, expressions d'une sincérité heureuse. S'il est permis de douter de l'acuité du rock à notre époque, les Kills parviennent pourtant à l'animer encore d'un soupçon de liberté. Rock'n'roll's not dead ; sanguine, la pression reste à flot. L'électrocardiogramme maintient sa ligne.

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Tracklist :

01 Future Starts Slow
02 Satellite
03 Heart Is A Beating Drum
04 Nail In My Coffin
05 Wild Charms
06 DNA
07 Baby Says
08 Last Goodbye
09 Damned If She Do
10 You Don't Own The Road
11 Pots and Pans