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Billet de blog 14 juillet 2011

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Arctic Monkeys au supermarché

Les jeunes rockeurs ont-ils encore quelque chose -ou toujours rien- à dire? Réponse dans une interview sans prétention avec Arctic Monkeys, des mecs sympas rencontrés aux Eurockéennes 2011.

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© Clément Sénéchal

Les jeunes rockeurs ont-ils encore quelque chose -ou toujours rien- à dire? Réponse dans une interview sans prétention avec Arctic Monkeys, des mecs sympas rencontrés aux Eurockéennes 2011.

Lancés sur internet par l'effervescence numérique de leurs fans, les jeunes gosses de Sheffield forment aujourd'hui l'un des groupe de rock les plus demandé sur la planète. Paru en 2005, leur premier single, I Bet You Look Good on the Dancefloor, emmène Whatever People Say I Am, That's What I'm Not, leur premier disque, en tête des charts anglais et provoque cette vague d'adrénaline qui scande l'histoire du rock britannique: l'éternel retour du rock prodige. Trois disques relativement similaires s'ensuivent, le dernier, Suck It And See, sorti tout récemment, au début du mois de juin 2011. Sur scène les Arctic Monkeys évitent les fioritures, laissent claquer les riffs hâchés qui modulent leurs morceaux, l'énergie découpée des séquences rythmiques qui sont désormais leur marque de fabrique assurent une cadence de haute-volée, la voix bravache et séduisante d'Alex Turner enrobant le tout avec une égale assurance. Un show carré, efficace et nerveux.

Vous êtes aujourd'hui l'un des groupes de rock les plus connus au monde , et j'ai entendu dire que vous étiez agacés par la célébrité. Comment gérez-vous cela aujourd'hui?

Matt Helders: Je ne sais pas, au début, tout le monde savait qui on était et on avait pas vraiment besoin d'être célèbres, ce n'était pas quelque chose d'important pour nous. On s'en fichait d'être reconnus ou non à chaque coin de rue. Au début, on a juste essayé de rester en retrait de tout ça, la hype, pour se concentrer sur la musique et les concerts. Mais bon, je suppose que c'est quelque chose à quoi l'on finit par s'habituer, quand vous avez quatre albums derrière vous.

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Arctic Monkeys, live © C. Sénéchal © 

Est-ce que le fait d'être une star change votre manière d'être en général?

Matt: Je ne crois pas que cela nous ait changé dans le mauvais sens du terme, on ne le prend pas trop au sérieux. Nous continuons à regarder les gens autour de nous de la même façon qu'avant.

Que pensez-vous de tels événements, comme les Eurockéennes? Est-ce un signe de réussite de jouer ici?

Matt: Oui, c’est super de jouer ici. On était déjà venus, mais pas en tête d’affiche, donc on avance, c’est plutôt bon signe.

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Arctic Monkeys, Eurockéennes 2011 © C. Sénéchal © 

Est-ce que ce type de festival ne vous apparait pas parfois comme une sorte supermarché de concerts?

Matt: Oui, c’est vrai; mais il y a de bons supermarchés, vous savez... Et je pense que pour les groupes, c’est aussi l’occasion de découvrir les autres. Et c’est un ambiance un peu plus détendue, car tout le monde n’est pas forcément venu pour te voir. Ça peut avoir des côtés positifs et des côtés négatifs. C’est avant tout l’occasion de jouer devant un public qui ne te connait pas.

À quel moment du processus créatif prenez-vous le plus de plaisir?

Matt: On adore être en studio, pour confectionner les morceaux. On aime aussi les tournées, mais réussir à achever un album est vraiment quelque chose de gratifiant.

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Arctic Monkeys, Eurockéennes 2011 © C. Sénéchal © 

Est-ce que la tournée demeure alors un moment de musique intéressant, ou seulement un service après-vente?

Matt: Vous avez raison, rejouer encore et encore les mêmes morceaux n’est pas toujours exaltant. Mais cela dépend des tournées, des ambiances, du public. On prend quand même du plaisir sur scène.


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Arctic Monkeys, Eurockéennes 2011 © C. Sénéchal © 

Vous qui avez percé grâce aux fans qui venaient voir et relayer votre page web, que pensez de l’influence d’internet sur l’industrie musicale?

Matt: Je pense qu’heureusement beaucoup de nos fans sont encore prêts à acheter nos disques, parce qu’ils pensent que c’est encore quelque chose de sympas à posséder, et nous travaillons dur pour leur donner cette impression. Je pense que c’est comme tout, vous ne pouvez pas sérieusement vous attendre à obtenir des choses gratuitement, comme cette tablette de chocolat que vous avez devant vous {nous étions dans la caravane du groupe et un monticule de bonbons s’élevait sur la petite table placée devant nous}: quelqu’un a dû payer pour ça.

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Arctic Monkeys, Eurockéennes 2011 © C. Sénéchal © 

Vous avez écrit quelques chansons sur la classe ouvrière anglaise: êtes-vous engagés en politique?

Matt: Non, je ne pense pas que nous soyons un groupe politique. Individuellement, je n’ai pas encore d’opinion réellement solide. Je ne pense pas que soit à moi, pour l’instant, de dire aux autres ce qui va et ce qui ne va pas. Pas maintenant.

Et toi?

Jamie Cook: Je n’ai jamais été dans des groupes qui étaient politiques. Quand j’écoute de la musique je préfère oublier tout ce qui se trame ailleurs. Je ne veux pas dans ces moments-là qu’on me rapelle tout ce qui ne va pas dans le monde. Je ne crois pas que ce soit le rôle de la musique.

Vous pensez que les gens écoutent votre musique pour penser à autre chose?

Jamie: Oui, c’est ce que je pense. Nous ne rappelons pas aux gens ce qui se passe de mal autour d’eux. Nous préférons leur proposer des échappatoires, un peu de répit.

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Arctic Monkeys, Eurockéennes 2011 © C. Sénéchal © 

Pensez-vous que le rock’n’roll soit encore une musique qui corresponde vraiment avec l’état actuel du monde?

Matt: Je pense que le rock’n’roll continuera toujours d’exister; ce n’est pas un style musical qui correspond vraiment à une mode, ou quelque chose comme ça. Il y a beaucoup de musiques qui surgissent momentanément puis qui s’évanouissent, en Angleterre tout particulièrement. Le rock à l’air de toujours revenir dans le coin, d’une manière ou d’une autre.


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Arctic Monkeys, Eurockéennes 2011 © C. Sénéchal © 

Où puisez-vous votre inspiration? Toujours dans la musique ou ailleurs de temps en temps, comme dans la littérature, etc?

Matt: Comme groupe, nous puisons notre inspiration dans le rock; c’est ce que nous écoutons quand nous sommes ensemble. Je pense qu’Alex, quand il écrit les paroles, s’inspire de beaucoup de choses différentes, je ne sais pas vraiment quoi d’ailleurs. Sans doute des livres qu’il lit.

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Arctic Monkeys, Eurockéennes 2011 © 

Écoutez-vous d'autres styles de musique parfois, comme de la musique classique par exemple?

Jamie: De la musique classique? Non, pas vraiment. Enfin parfois, quand vous allez à l’hôtel, la radio est branchée sur une station qui passe de la musique classique. Parfois ce qui sort n’est pas désagréable.

Matt: Je n’y connais pas grand chose… mais c’est vrai que la musique classique peut-être relaxante. Ça peut être bien à l’hôtel, en effet. Ou alors pour faire la cuisine, ou prendre un bain. Non, nous écoutons plutôt du rap et du hip hop, nous essayons d'importer leur côté très rythmé dans notre manière de jouer.

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Arctic Monkeys, Eurockéennes 2011 © C. Sénéchal © 

John Lennon disait que le rock français était un peu comme du vin anglais… Êtes-vous d’accord avec lui?

Matt: Je ne connais pas de groupe de rock français pour être honnête, mais je suis sûr qu’il y a de bons groupes. Peut-être que je devrais faire un peu plus attention aux «talents locaux».

Liam Gallagher, le chanteur d’Oasis, donne ce soir l'un de ses premiers concerts avec son nouveau groupe, Beady Eye, presque vingt ans après son premier disque avec Oasis. Qu'est-ce que cela vous fait?

Matt: C'est génial. Nous étions de grands fans d'Oasis, et nous le sommes encore. J’adore tout ce que Liam Gallagher a fait. Et j’ai hâte de voir Beady Eye, le nouveau groupe, sur scène.

Vous jouez après lui, en tant que tête d’affiche. Il va être jaloux non?

Matt: Ah! Je ne sais pas. Il a déjà fait tellement plus que nous, vous savez…

Que pensez-vous de Lady Gaga?

Matt: Eh bien je pense que c’est vraiment une forme de divertissement à part entière. Mais je ne sais pas vraiment laquelle. Mais bon, peut-être que certaines personnes ont besoin de ça pour continuer à vivre. Enfin je suppose.

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J'ai rencontré Arctic Monkeys le dimanche 3 juillet aux Eurockéennes de Belfort. L'interview s'est passée en backstage, dans la caravane du groupe. Elle a été réalisée en anglais, puis retranscrite en français pour l'écrit.