
Une fois n’est pas coutume, le grand capital répare cette rentrée une injustice. The Clash, le plus grand groupe de tous les temps dispose enfin d’un live à la hauteur (et d’un DVD de plus, parce qu’il faut bien faire du fric quand même…). Alors que la presse musicale tombe pour la quinzième année consécutive dans le panneau Oasis, le véritable rock’n’roll est dans les bacs depuis le 6 octobre.
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Il y a plusieurs manière d’être un artiste ou un groupe de scène. On peut laisser libre cour à l’improvisation et livrer des versions inédites à chaque set, à l’image de John Coltrane ou Jimi Hendrix, on peut offrir un son et lumière au spectateur, à l’image d’Alice Cooper, on peut se lacérer avec des tessons de bouteilles et se masturber en direct à l’instar du Stooge primitif. Ou on peut être The Clash. Juste sincère, et habité.

La légende (et c’est bien tout ce qui importe dans le rock’n’roll) veut que Paul Simonon ait voulu jouer de la guitare pour imiter le fameux moulinet du bras de Pete Townshend, le guitariste de The Who. Une de ses idoles. Mick Jones, alors déjà guitariste confirmé lui suggère d’opter pour la basse, instrument avec lequel il est finalement plus facile de faire des moulinets étant donné que le manche est plus long. Jones confirme d’ailleurs dans la longue interview qu’il accorde ce mois-ci au magazine Volume (qui du coup mérite ses 4,95€ en dépit des fautes de gout que constituent la mise en couv’ des déficients Gallagher et le troc du sponsor de Radio Nova pour retrouver celui de Virgin Radio), que c’était lui qui enseignait les rudiments de la basse à Simonon au fur et à mesure, au sein de leur combo au nom douteux : London SS. Gageons que si ce nom n’avait pas été remplacé par celui de The Clash, l’histoire aurait un peu boudé le band.
Ce Live at Shea Stadium a été enregistré en octobre 1982 à New York donc, alors que le groupe ouvre pour The Who. Cet élément a donc son importance. Alors que le gang est déjà superstar des deux cotés de l’atlantique, Townshend les choisis comme première partie, peut-être pour rendre l’affiche plus excitante. Car son groupe n’est plus que l’ombre de ce qu’il fût, et d’ailleurs explosera cette même année.
Mais pour The Clash, cette tournée est hautement symbolique. Il s’agit d’être à la hauteur des grands frères. D’où un set extrêmement rock, très éloigné des expérimentations studio du groupe sur ses dernières productions Sandinista, Combat Rock ou le très étrange Radio Clash.

Une sorte de retour aux sources après s’être baladé sur les terres du reggae, du dub, du funk, et même du hip-hop (The Clash a tourné en 1981 avec Grandmaster Flash, et a été accompagné durant quelques dates par le graffeur Futura 2000 qui peignait en direct).
50 minutes pour convaincre. Pari gagné. Pourtant, les Four Horsemen ne sont pas au meilleur de leur forme en 1982. Cinq albums dont un double et un triple en six ans, des tournées incessantes. Le groupe est sur les rotules. Le métronomique batteur Topper Headon a été limogé du fait de sa toxicomanie, il est remplacé sur la tournée par Terry Chimes, qui battait déjà les futs (assez péniblement) sur le premier album. Pourtant dieu (ou diable) sait que le rythme est un élément primordial du Clash. Il arrive que le groupe sonne faux, mais il n’arrive jamais qu’il tombe a coté du temps, et ce malgré les breaks, les changements de rythmes dans les aller-retours entre Londres, Kingston et New York qu’opèrent sans arrêt leurs morceaux.

Strummer lui-même, le prêcheur exalté, l’agence de presse européenne de la guerilla latino, le charismatique troubadour, le Punk-rock lord of war semble très fatigué. Son visage émacié à peine dissimulé derrière ses wayfarer. Comble du revirement, il a abandonné sa banane rockab’ et arbore une crête pour l’occasion. En 1982. Alors que le mouvement est mort et que ceux qui s’en réclament fleurent le rance, de Damned à Exploited en passant par Sham 69.
Et pourtant le groupe est bel et bien là. Vivant jusqu’au bout. Le chant du cygne en quelque sorte. The Clash est le Rock’n’Roll. Sur disque comme sur scène.
Et c’est important de l’entendre enfin proprement. Parce que bon, qui a vu The Clash sur scène ? Lorsque ce live a été capturé, j’avais un an et demi et François Bégaudeau en avait 10, et mis à part quelques bootlegs ou pirate au son douteux, et quelques (heureuses) traces vidéos, le seul live officiel du groupe était jusqu’alors celui compilé en 1999 From Here to eternity, qui souffrait justement d’avoir été compilé. Il manquait de liant, d’énergie, et peinait à convaincre.
Et le DVD alors ?
Bon, le DVD Revolution Rock lui est plus dispensable. Quoi que réalisé par Don Letts à qui l’on doit déjà le meilleur documentaire sur l’histoire du mouvement : Punk : Attitude (studio canal vidéo, 2006), et la meilleure vidéo sur le groupe, The Clash : Westway to the world (sony music 2002). Deux DVD à acquérir de façon plus urgente que ce Revolution Rock avec évidemment Rude Boy (night&day, réédité en 2005), le film de Jack Hazan, David Minguay ET The Clash (et en attendant la sortie en vidéo du superbe film de Julian Temple Joe Strummer : The futur is unwritten).

Il offre néanmoins un tour d’horizon plus ou moins chronologique assez pertinent, quoi que très incomplet. Il est toujours frappant de voir la sincérité de ce groupe, du début à la fin. De constater cette énergie incandescente, parfois incontrôlée, mais jamais exagérée. The right profile.
Les commentaires ne servant toutefois pas à grand chose, on privilégiera la version music only, pour une toute petite heure et demi de révolution télévisé.
Crédit Photo : Bob Gruen