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Billet de blog 21 octobre 2008

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Elliott Smith : Last call he was sick of it all…

Il y a cinq ans, le 21 octobre 2003, Elliott Smith mourait à l’age de 34 ans. Il mettait ainsi fin à une existence romantique au sens le plus noir et le plus absurde du terme. Et laissait inachevée une œuvre remarquable. Mais pourtant pas toujours remarquée. 

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Illustration 1

Il y a cinq ans, le 21 octobre 2003, Elliott Smith mourait à l’age de 34 ans. Il mettait ainsi fin à une existence romantique au sens le plus noir et le plus absurde du terme. Et laissait inachevée une œuvre remarquable. Mais pourtant pas toujours remarquée.

Beaucoup de biographies d’Elliott Smith trainent sur internet, faisant état de sa dépression, de son addiction à diverses drogues, de ses difficultés à gérer une notoriété pourtant dérisoire, des ses déboires conjugaux, de la violence de ses relations avec sa maison de disque DreamWorks, des incohérences de son suicide… Ceux que ça intéresse trouveront d’eux mêmes les détails les plus croustillants et salaces de la vie et de la mort de cet immense artiste sur la toile, il n’en sera pas question ici.

Les premiers faits d’armes musicaux d’Elliott surviennent durant la première moitié des années 1990, une période riche pour le rock alternatif américain. Un peu hâtivement classé dans cet espèce de rassemblement hétéroclite qu’on appellera grunge, son groupe de fac, Heatmiser ne brille ni par son originalité, ni par sa finesse. Une poignée de disques sont aujourd’hui trouvables assez difficilement : Daid Air (Frontier, 1993), Cop and Speeder (Frontier, 1994) et Mic City Son (Caroline, 1996), ainsi que le maxi Yellow n°5 (Frontier 1994).

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En pleine période Nirvana, alors que Pixies a fournit ses meilleures pièces et pendant que REM attend le climax de son art, Heatmiser pouvait difficilement être repéré. Quoi qu’il en soit, Elliott était à l’étroit dans ce combo rock. Il le prouve en sortant en solo, parallèlement à Heatmiser, deux disques : Roman Candle (Kill rock star/Domino, 1994) et Elliott Smith (Kill rock star/Domino, 1995). Ces disques, qui peuvent parfois sembler un peu brouillons, notamment du fait que de nombreuses chansons ne possèdent pas d’autres titre que no name# suivi d’un numéro, révèlent pourtant un songwriter sensible, fragile et écorché. Du haut de ses vingt-cinq ans, Elliott semble porter la misère et la souffrance du monde dans sa voix et son jeu de guitare unique.

Cette formule de balades sombres et épurées attendra son sommet avec son troisième album, le fabuleux Either/Or (Kill rock star/Domino, 1997). C’est la même année qu’un réalisateur qui vit dans la même ville que lui, à Portland (Oregon) fait appel à lui pour participer à la bande originale du film qui va le révéler au grand public. Le réalisateur est Gus Van Sant, et le film est Good Will Hunting. Sa chanson Miss Misery est alors nommés pour l’Oscar 1998 de la meilleure musique originale de film. Sorti des bars enfumés où il se produit d’habitude assis sur une chaise, il se voit contraint d’interpréter sa chanson lors de la cérémonie sous peine qu’elle ne soit chantée par quelqu’un d’autre.

Elliott Smith - Miss Misery, Oscars 1998

Perdu sur cette grande scène, debout dans son costard blanc, il a l’air a peu prés aussi à l’aise qu’un mulot dans un banquet de vipères. C’est finalement l’abominable My heart will go on, BO du non moins abominable Titanic qui reportera le prix

Entre temps, la société du spectacle a engendré un monstre, le conglomérat DreamWorks. Né de l’union du géant du disque David Geffen et du titan du marché cinématographique Steven Spielberg. Dreamworks rachète Virgin, qui avait déjà fait main basse sur Domino, le label d’Elliott. À nouveau, sans qu’il n’ait rien demandé, celui-ci se retrouve au cœur d’un système qui le dépasse.

Dreamworks comprends que la tendance indie rock peut s’avérer être une manne (Geffen s’était occupé de Nirvana…) et mise tout sur le premier groupe qu’il lance, Eels. Elliott se retrouve embarqué dans cette aventure. En 1998, parait XO, son premier album chez Dreamworks. Un excellent disque aux instrumentations plus complexes que ses précédentes œuvres intimistes. Le disque s’achève sur un moment de grâce, I didn’t understand, chanté a capella.

Elliott Smith - I Didn't Understand - Music Video © Erik V

Des annonces relativement contradictoires surviennent au sujet de son état de santé et de ses dépendances. Toujours est-il qu’en 2000, il sort Figure 8, toujours chez DreamWorks, un disques plus optimiste et plus pop (au sens Beatles du terme s’entend).

Somebody That I Used To Know © crayons439

La suite n’est faite de postulats. Il meurt le 21 octobre 2003, vraisemblablement d’un suicide. Il était alors en train d’enregistrer From a basement on the hill. Les séquences semblait chaotiques, comme ses relations avec Dreamworks, dont Elliott ne voulait plus. Ses proches construiront le disque, qui sortira un an et demi plus tard chez Domino, alors libéré de Dreamworks records qui est en train de s’écrouler (et de se fondre chez Interscope).

Domino a également sorti un double album de chutes et de B-sides de l’époque de Either/Or en 2007 sous le titre New Moon.

De son vivant, de son œuvre, de sa mort, on trouve à peine quelques mots dans la presse, mis à part dans Les Inrocks. Pas assez teenager pour rivaliser avec Kurt Cobain, trop destroy pour s’assoir à coté de Jeff Buckley (quoique leurs œuvres puissent présenter des points communs). Elliott ne sera jamais une icône. C’est mieux ainsi. Il aurait détesté ça.

[Pour bénéficier d'un confort de lecture optimal avec notamment, tous les liens hypertextes, et une mise en page maitrisée, vous pouvez consulter cet article sur NoiseNews.net, son très subversif support d'origine. ]

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