
Plusieurs sorties importantes ont eu lieu en 2008 pour le Gun Club. Passant un peu inaperçues. Last Call publie un disque live restituant toute la puissance indomptée dégagée par le gang de Jeffrey Lee Pierce. Et Choses Vues édite le DVD d’un film, ni portrait, ni documentaire, sorte de bloc-notes des dernières années de JLP, réalisé par Henri-Jean Debon.
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Pour notre plus grand plaisir, l’année 2008 fut Clash, avec la parution quasi simultanée du live, du DVD, et du superbe livre aux éditions du Diable Vauvert. C’était bon de les retrouver ainsi. Le seul inconvénient, c’est que cela nous a fait passer à coté d’une actualité riche pour un autre pilier du temple : The Gun Club.
Oui, le gang de JLP a bénéficié cette année de la réédition vinyle avec sa pochète d’origine de Fires of Love, l’incroyable premier album, mais aussi de la sortie du disque Larger Than Live ! et de deux DVD, Ghost On The Highway et Jeffrey Lee Pierce : Hardtimes Killin’ Floor Blues.

Le premier documentaire, Ghost On The Highway n’étant disponible qu’en VO et en import, je ne l’ai pas encore visionné. Mais il est présenté comme « Un portrait de Jeffrey Lee Pierce et du Gun Club », par des personnes importantes, comme Kid Congo Powers [1] et d’autre musiciens du groupe, ou encore John Doe de X, Lemmy de Motorhead (qu’est qu’il fout là lui ?) et Henry Rollins de Black Flag entre autres.
Hardtimes Killin’ Floor Blues est moins tape à l’œil. Réalisé par Henri-Jean Debon, connu pour ses clips et ses films sur Noir Desir ou Les Thugs, il présente un JLP dans ces dernières années. Il était l’idole, et l’ami de Debon. Celui-ci lui rendait fréquemment visite entre 1992 et 1996 pour un projet de long-métrage qu’ils avaient en commun. Il filmait ces entrevues en super-8, comme on tient un journal. En tant qu’ami, on comprendra qu’il ai mis plus de 10 ans pour monter cette vidéo.
JLP va plutôt mal. Il souffre de l’exil à Londres, il souffre de la solitude, il boit beaucoup trop, et de ce fait, souffre du foi. Et puis il souffre du cœur. L’amour de sa vie et bassiste Romi Mori est partie avec son batteur, Nick Sanderson [2]. Il pourrait passer pour une sorte de vieux clochard pathétique si le film s’en tenait à le présenter lors de ses libations effrénées au pub, ou lors de ses discours abscons sur le sexe, les armes blanches, sa mère… Mais ces images ne sont là que pour éclairer les passages ou il est avec sa guitare, et le plus souvent avec le guitariste Cypress Grove. Il est alors le blues. Non pas un bluesman, mais le blues tout entier. Dans son expression la plus rustique, la plus crue, la plus souffrante, la plus sensible. Venu du fin fond d’un Mississippi où personne n’aurait voulu croire que JLP fût blanc de Californie. Un pur white trash.
Ces prises alors impromptues, fugaces, sont heureusement gravées sur un disque, pas évident a dégoter, mais existant : Ramblin’ Jeffrey Lee Pierce & Cypress Grove with Willie Love.

Quelques mois seulement séparent les images de cet homme dévasté du son d’un Gun Club plus que vivant qui émane de Larger Than Live ! que vient de publier Last Call. Quelques mois et le point de rupture : Romi Mori et Nick Sanderson tiennent encore la rythmique du combo et le Kid assiste le prêcheur à la guitare. Le Gun Club était alors une arme de destruction sonore massive, le creuset de toute l’énergie diabolique du rock’n’roll, la fournaise de l’enfer ou boivent l’apéro en se moquant de nous Jimi Hendrix, Robert Johnson, Arthur Lee, Buddy Holly et Iggy Pop (je sais qu’il n’est pas mort, mais on sait tous que l’Iguane peut traverser les portes de l’enfer dans les deux sens quand bon lui semble).
Les titres joués sont issus en proportions relativement partiales des cinq albums studio enregistrés par le groupe. On remarquera l’absence de Sex Beat. Le morceau était vraisemblablement sur la fin exécré par Jeffrey, qui détestait voir son œuvre réduite à ce morceau punk (remarquable par ailleurs…).
Plus que le blues, le lien entre le coté rock explosif du Gun Club sur ce disque live parfait, et le minimalisme de Pierce sur le DVD est la guitare. JLP était un guitariste incroyable, ayant digéré des milliards d’influences et capables de se les approprier, de les faire se confronter, s’affronter. En outre, Les bonus du DVD le montrant reprendre Jimi Hendrix seul à la stratocaster sont saisissant sur la compréhension du jeu (et notamment de l’utilisation de l’espace des notes non-jouées) du Voodoo Chile.
Mais que faire de tant de talents au milieu d’un monde dont on est absent ? Au cœur d’un corps dont on se sent soi-même étranger ? Beaucoup de journalistes l’ayant affronter font état d’un personnage assez abject, une plaie en interview. Sans doute. Jeffrey était la souffrance. Il était le blues. Comment exprimer ça dans une interview ? Et surtout, pourquoi le faire alors que toute l’œuvre parle d’elle-même ?
HJ Debon - Jeffrey Lee Pierce : Hardtimes Killin’ Floor Blues (Choses Vues) & The Gun Club - Larger Than Live (Last Call)