En fin de deuxième mi-temps, lors de l'emballant Allemagne-Algérie de lundi (2-1 après prolongations), Thomas Müller a frisé le ridicule, lors d'un coup-franc désarçonnant imaginé par la Mannschaft. Un effondrement un brin pathétique, mais à coup sûr faisant partie d'un stratagème machiabordélique, dans la lignée des bizarreries cultes sur coups de pied arrêtés déglingués qu'a pu produire le foot dans son histoire…
On ne va pas le cacher, au début, on a cru à une gamelle ridicule. Une chute qui marquera à jamais celui qui est promis à devenir le futur meilleur buteur de l'histoire de la coupe du monde (à l'heure où nous écrivons, il en est déjà à 9 réalisations pour seulement 24 ans et deux coupes du monde, le record étant à 15 -Klöse et Ronaldo-). Au début, donc, on s'est bien moqué…
Et puis, un journaliste allemand a rapidement indiqué, sur twitter, que la tactique outre-rhénane était travaillée telle quelle à l'entraînement, gadin de Müller compris. Citant le défenseur central Höwedes après le match, il révèle que c'est uniquement le ballon piqué final qui fut défaillant. Et c'est vrai qu'en le revisionnant à nouveau, on se rend bien compte que personne ne tombe comme ça par hasard, sur les genoux, puis ne se relève aussi vite pour courir comme un dératé vers le mur adverse.
Höwedes: "We practiced that free-kick in training. The final chip wasn't right"
— Raphael Honigstein (@honigstein) July 1, 2014
Et là, on se met à tiquer un peu. Parce que d'accord, la créativité sur coup-franc permet toutes les roublardises, et confinent souvent au génie.
Ainsi, le "Je fais semblant de m'engueuler avec un co-équipier, pendant qu'un troisième s'élance dans mon dos", mis en œuvre par de malins israéliens, lors d'un Hapoel Ra'anana - Hapoel Ramat Gan (ne me demandez pas qui est qui)…
Ou encore, le "Je m'étends de tout mon long, avant d'effleurer le ballon de la tête, décalant pernicieusement mon collègue pour qu'il mette une grosse minasse, alors que les adversaires se demandent encore ce que je fous par terre", réalisé par deux joueurs chinois anonymes mais excellents…
Ou encore, le "On se met à six autour du ballon, on s'élance tous ensemble à cinq et on se rentre dedans, et finalement c'est le sixième qui tire", un chef-d'œuvre du club allemand de Düsseldorf…
On pourrait multiplier les exemples presqu'à l'infini, tant la créativité footballistique semble ne pas avoir de limites en la matière. Mais est-ce à la hauteur des Allemands et, plus encore, du Mondial ? Ok, le statut de l'équipe a évolué, les mecs ne sont plus moustachus, blonds et arrogants, et développent un jeu enthousiasmant et offensif, éloigné de l'époque Schumacher/Battiston. Mais doit-on pour autant assister au spectacle pénible d'une Mannschaft attendue comme invincible, dominatrice et rigoureuse (allemande, quoi…), qui se transformerait en entreprise de cirque footballistique façon "Olive et Tom" de championnat de seconde zone ?
Doit-on s'attendre en quart de finale à voir Ozil, Schweinsteiger et Lahm imiter les grandes heures du FC Mulhouse (en CFA, face à Louhans-Cuiseaux en 2011), pour un "On s'élance à trois, mais en fait on passe tous à côté du ballon, avant que… ah ben, non en fait" ?
Ou voir s'aligner Khedira, Muller, Götze et Kroos à la queue leu leu, comme une vulgaire équipe de deuxième division japonaise ?
Alors, pour conclure ce billet avec un peu de dignité, et inciter l'équipe de l'aigle à une tête à se reprendre, et à ne pas galvauder une réputation construite mondial après mondial, que les Allemands s'inspirent de la Suède de 1994 (mythique Thomas Brolin face à la Roumanie) et de l'Argentine de 1998 (sublime Zanetti contre l'Angleterre). Ça, c'est du football créatif et décisif, qui ne tourne pas au grotesque, même voulu…
Mise à jour : Un grand merci à l'équipe américaine, qui a su rappeler l'Allemagne au bon goût, lors de son épique huitième face à la Belgique, en tentant en prolongation une vraie "combi" digne de ce nom, hélas vaine…