120 battements par minute, Robin Campillo (2017)
120 battements par minute est un film que beaucoup d’entre vous ont probablement déjà vu, mais en cette journée du 1er décembre, essayons d’y apporter un regard TPG.

Le film met en images, par ailleurs aussi belles que dévastatrices, une lutte. Une lutte acharnée pour la vie et la survie, une lutte politique déterminée contre la mort, contre la sérophobie et au-delà, contre l’homophobie.
Ce film est beau. Il est homosexuel. Il raconte une histoire intime dans une grande histoire politique. La grande histoire, c’est celle de la lutte contre l’épidémie du VIH/Sida, et le sacrifice organisé de nos communautés LGBT par le système capitaliste hétéropatriarcal. Face à la cupidité et la culpabilité de l’industrie pharmaceutique, en totale collusion avec l’État, se dressent nos frères, nos sœurs, nos adelphes avec force et courage. Il nous rappelle que lorsque l’on appartient à un groupe social altérisé et oppressé, le seul choix est la mort ou la survie. Le seul choix, c’est l’auto-organisation. Ielles étaient seul·es à pouvoir se sauver. Et c’est aussi avec une surprenante justesse que ce film dépeint la construction communautaire TPG et la politisation des identités sexuelles, dont nous sommes aujourd’hui les héritier·es.
Mais nous sommes également héritier·es de l’histoire intime. L’histoire intime, c’est l’amour. L’amour de ces deux hommes qui crèvent l’écran, et qui, je dois l’avouer, rend heureux malgré le chagrin. Deux hommes qui s’aiment, deux hommes qui font l’amour, deux hommes qui baisent, deux hommes qui dansent, deux hommes qui luttent. Et cette lutte, contre le VIH/SIDA, contre nos oppressions, elle est TPG.
The communards, de Don’t leave me this way à For a friend, le spectre de Mark Ashton
Le chanteur du groupe The Communards, Jimmy Sommerville, faisait parti de Bronski Beat alors qu’il était en tête d’affiche du mythique concert Pits and Perverts en 1984. Ce n’était pas un coïncidence, car celui-ci était un ami très proche de Mark Ashton, l’un de fondateur de LGSM (Lesbians and Gays support the Minors).
En février 1987, Mark meurt à la suite de complications liées au SIDA. Et c’est juste avant une représentation en direct à la télévision de la chanson Don’t leave me this way (une reprise à succès) que Jimmy recevra un coup de téléphone lui annonçant la mort de celui qu’il considère comme son meilleurs ami. Cet événement tragique changera totalement le sens de la chanson à ses yeux et il la chantera lors d’hommages à Mark.
Le nom de Mark Ashton sera donné des années plus tard à un fond d’aide aux personnes atteintes du VIH, le Mark Ashton Trust. Mais avant cela, The Communards lui dédira, toujours en 1987, le morceau For a friend dans lequel Jimmy chante à la mémoire de son ami disparu.
Pour en savoir plus sur cette histoire il existe quelques interviews de Jimmy Sommerville comme celle-ci.

Rose2rage, Théophylle Dcx (Burn~Août, 2023)
Everytime We Touch à plein volume sur sa chaîne hifi, Théophylle Dcx répondait à ses parents qui lui demandaient de baisser le son « Cascada s’écoute à fond ou ne s’écoute pas ». Cette chanson l’a accompagné jusqu’à aujourd’hui et il l’écoute encore en boucle dans sa version Nightcore.

Né au milieu des années 90, Théophylle Dcx nous fait le récit personnel, de son enfance dans la campagne stéphanoise puis sa jeunesse à l’école des Beaux-Arts de Nice, son départ pour la ville et son lot de découvertes. On le suit au fil de ses fantasmes, ses danses endiablées, ses amours, ses désirs, le travail du sexe et la perte d’Alexandre un an auparavant.
Il s’arrête un long moment sur son « statut » de séropositif au VIH, les discriminations qu’il a subies, le manque d’éducation de pas mal de personnes qu’il a rencontrées. Il insiste fortement sur « indétectable », sur le « 0,00000% » de chance de le « partager », sur les personnes « qui préfèrent la capote avec lui ». Les plans culs qui « ne peuvent pas », qui ont peur. Il n’a pas envie de savoir qui lui a refilé. Il s’en fout, ce n’est pas important et cela ne changera rien.
On pourrait vous raconter la suite mais on vous laisse découvrir. Il y parle de la perte d’un proche, du « travail du sexe », de la famille, de la drogue, toujours avec son ton féroce.
Un récit à la première personne, énervé, amoureux, triste, joyeux, qui nous fait passer par de nombreuses émotions, bien aidés par l’écriture saccadée du texte en phrases courtes sous forme de poésie en prose. On est dans sa tête en permanence, l’imaginant fulminer. Il réussit par ce format à brillamment politiser son intimité.
Les jeunes éditions Burn~Août soignent leur travail dans la mise en page qui sert merveilleusement bien le propos, avec des polices de tailles différentes, des photos et une magnifique couverture rose en sérigraphie. La transparence sur le tarif est de mise avec un détail de qui gagne quoi en quatrième de couverture pour mettre en lumière ce que coûte réellement un livre.