#10 [Calendrier de l'après] Tutotal / L’Art de la Joie/ 4% en théorie
L'année dernière, le collectif des inverti·e·s vous proposait un Calendrier de l'Avent dans sa série "sur la table de chevet des inverti·e·s" cette année, on vous propose sept jours de Calendrier de l'Après : On invertit tout !
Nos choix culturels de la journée :
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Tutotal, 2014, Maxime Donzel et Géraldine de Margerie
Coucou les loulous, Nous sommes en 2014, avant le covid, avant les sales guerres de Poutine et Netanyahou, avant la réforme des retraites. Emmanuel Macron est encore un discret secrétaire général adjoint du cabinet du président de la République et on ne le connait pas.
Ah non, Netanyahou était déjà là et il bombardait déjà Gaza. Ah non, Poutine était déjà là et il annexait la Crimée. Bref, c’est pas le sujet. Ah mais punaise, il y avait aussi une réforme des retraites en 2014. Bon, on était jeunes, on était devant la téloche et on regardait Arte. Dans la tant regrettée émission “Personne ne bouge !” radicalement pop et culturelle, il y avait une capsule de quelques minutes. On l’attendait chaque semaine : “Tutotal”. Tutotal c’était “le rendez-vous Septième Art où l’on se demande si oui ou non on va voir un film d’après sa bande-annonce”. Le concept est simple : Un tutoriel trouvé dans les soutes d’internet (plus ou moins en lien avec le film), une bande-annonce, un doublage parfait des non-moins parfait·es Maxime Donzel et Géraldine de Margerie, et des points comme à l’eurovision. Quel rapport avec les luttes LGBT et le communisme ? Les vidéos sont bourrées de références et d’appel du pied aux LGBT. Jeux de mots foireux, références obscures, humour grinçant (pour ne pas dire bitchy), pas toujours “safe” mais toujours hilarant, c’est une usine à “catch phrases”. Il va être difficile de faire une sélection, mais on pense immédiatement à l’épisode sur “Lucy” de Luc Besson dans lequel une drag queen décrit le film : « Bon donc l'histoire, c'est une nuit clubbing qui tourne mal : on danse, on boit trop, on se retrouve dans une chambre inconnue, on s'est fait ouvrir le bide pour y stocker des drogues dures… Enfin bon, qui n'a pas déjà vécu ça ?! Been there, done that. Déjà vu, déjà fait, déjà tweeté, instagramé, snapchaté ». Ou bien encore celui avec mes personnages préférés (définitivement !) , deux amies toxiques qui nous parlent “de “Respire”, un film de Mélanie Laurent, c’est la fille qui a joué dans “la Rafle”. Ouai, un film sur la rafle du Vel’ d’HIV, un très beau film sur les années sida”. Tutotal est tellement culte que dans nos séries de visuels drôles sur la reforme des retraites, le collectif avait même fait une référence à l’un des personnages : un réac’ légendaire. On vous laisse regarder par vous-même. En ce qui concerne le communisme, on a une référence dans l’épisode ci-dessous, qui présente le film “Personal shopper” d'Olivier Assayas (Assay encore !) avec un tutoriel “rideau de perles” dont l’un représente “tout ce qui est communisme et sensualité”.
On connaissait l’humour de Maxime Donzel, qu’on avait déjà repéré au début des années 2010 alors qu’il réalisait des revues du mois LGBT pour feu Yagg ancêtre de Komitid. Les vidéos ont peu à peu disparu d’internet, un jour les inverti·e·s feront une campagne avec le collectif des archives LGBTI pour retrouver ces chefs-d'œuvre oubliés. Inch’Julia Robertz.
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L’Art de la joie, 1998, Goliarda Sapienza (traduit de l'italien par Nathalie Castagné en 2005), Le Tripode
Roman de l’autrice italienne communiste et féministe Goliarda Sapienza (1924-1996), l’Art de la Joie est l’histoire d’une vie, celle de Modesta. On la rencontre enfant dans une famille très pauvre en Sicile. Le récit nous fait suivre un parcours d'ascension sociale jalonné de rencontres et de morts, de traumatismes et de bonheurs qui vont construire progressivement la personnalité du personnage. La force de ce texte est son écriture proprement anarchique, qui refuse toute morale, tout enseignement au lecteur·ice. La ligne directrice qui tient tout ensemble est une inépuisable force de vie, une soif de découvrir, de rencontrer, qui se développe tout au long de l’histoire ; c’est l’Art de la joie.
L'Art de la joie, Roman de Goliarda Sapienza
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Le roman est l’occasion de saisir les changements économiques et politiques qui bouleversent l’Italie dans la première moitié du XXè siècle. Nous suivons ainsi, par le vécu de Modesta, l’arrivée de la voiture, du téléphone, de l’électricité, l’effervescence communiste de l’entre-deux guerres, la montée du fascisme, la guerre, la maladie et la prison. La politique est d’ailleurs un des fils rouges principaux de ce récit. Des premières découvertes d’écrits marxistes jusqu’aux discours politiques pour les campagnes électorales du PCI, des enthousiasmes aux désillusions, sans jamais perdre l’espoir et la conviction de la nécessité d’une révolution, le roman est traversé de références au paysage politique communiste italien du début du siècle dernier. Mais ce communisme n’est jamais éloigné du féminisme, de l’autrice, comme de son personnage. Le communisme de l’Art de la joie repose sur la convergence et sur l’analyse de la domination patriarcale, mais aussi sur la sortie de la matrice hétéronormative. Les amours lesbiens occupent une place déterminante dans la vie du personnage, moments intenses de découverte et de changements, qui structurent sa vision politique.
Les différents fils qui construisent l’histoire s’additionnent pour construire une subjectivité complexe, et une conception de la politique avant-gardiste, qui rappelle toujours l’importance de conjuguer marxisme et féminisme et de lutter contre le poids des normes sociales (conception qui rejoint les analyses des mouvements féministes et TPG marxistes des années 1960, période de rédaction du roman). En somme, parcourir les nombreuses et belles pages de ce roman offre à vivre le voyage de toute une existence, avec ses réussites et ses échecs, ses coups d’éclats et ses parts d’ombre, ses moments de doute et d’espérance; que traversent l’amour, l’histoire, la politique et toujours un désir plus fort de vivre.
« Pourquoi, depuis mon enfance, mon cœur palpite-t-il à la vue de certains garçons?» C'est par cette question ouverte et intime que commence le livre du journaliste Mathias Chaillot. Pour tenter de répondre, il mène une longue enquête, fruit de trois années de recherche, à partir de sources scientifiques et d'expériences intimes.
4% - en théorie… - Mathias Chaillot
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A travers des histoires personnelles, auxquelles il n'est pas difficile de s'identifier, Chaillot nous prend par la main et nous fait découvrir les nombreuses réponses que la science a tenté d'apporter. Comme celles de la génétique, qui tente de trouver le gène de l'homosexualité, ou “l’effet grand frère”, selon lequelle chacun de nos frères ainés augmenterait les chances d'être gay. Ou celles de la médecine, qui a parfois littéralement disséqué l'homosexualité.
Il nous raconte comment dans diverses sociétés non européennes, il existe une conception différente du genre et de l'orientation sexuelle, et de comment, dans le règne animal, plus de 1500 espèces pratiquent l’homosexualité, mais une seule l’homophobie.
De nombreuses réponses génèrent automatiquement d'autres questions, par exemple «Et toi, pourquoi t'es hétéro ?», «La recherche sur l'homosexualité est-elle importante ?», ou bien «Pourquoi est-ce qu'on devrait se poser la question ? Pourquoi nous, et pas eux ?»
C’est à nous de choisir si croire ou non à certaines, à toutes ou à aucune de ces théories, de décider si nous voulons ou non répondre à cette question. Ce livre devient ainsi le manuel de bord que nous avions tous envie de lire lorsque quelque chose en nous nous faisait comprendre que nous étions différents, et nous mettait face à ce grand « Pourquoi ? ».
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