« J’ai d’abord vécu dans des squats mais on se faisait souvent vider par la police. Avec un logement, je pense que ma vie peut changer ». Changer de vie, cela commence, concrètement, dans quelques jours. Jennifer, 28 ans dont 10 passés dans la rue, va en effet emménager dans un bâtiment promis à la destruction. C’est la solution provisoire, proposée par la ville de Toulouse, à une vingtaine de jeunes sans abris pour qu’ils reprennent pied dans la vie.
Pour l’instant, Jennifer loge dans un des trois algécos que la mairie a installé sur un terrain vague dans le quartier du Raisin, proche du centre ville. Son logement ne fait que quelques mètres carrés. Mais c’est mieux dit elle « que les copains qui dorment dans des tentes sur des matelas » à même le bitume. A l’intérieur du « logement », il fait en effet moins froid que dehors. La chaleur des corps fournit aussi un peu de réconfort ainsi que le petit gaz sur lequel elle cuisine de quoi se restaurer. L’inconvénient, c’est une forte odeur de cigarettes et d’huile qui empreigne l’atmosphère, les vêtements, et les couvertures du matelas jetées à même le sol. Mais enfin, «ça nous a bien aidé » dit elle.
Jennifer loge ici depuis six mois avec son copain. Caroline, 20 ans, également. Avant, c’est-à-dire durant le printemps et l’été 2008, elles avaient planté leurs tentes, tout près de la gare Matabiau, le long du canal du midi. Il y en avait une vingtaine qui constituait une sorte de village de toiles que les automobilistes pouvaient voir grandir, semaines après semaines. « on s’était installés là parce qu’il y a la soupe populaire pas loin, et puis de la terre, et on était pas loin du centre ville » raconte Caroline. Un choix stratégique qui inconsciemment à produit un effet de visibilité provoquant une réaction vive chez les élus locaux.
Fin Août, le maire socialiste Pierre Cohen vient sur place. Il demande aux sans abris de quitter les lieux d’ici le 8 Septembre. Comme solution, il leur propose d’appeler le 115 , de discuter avec l’équipe mobile sociale et santé, ou de prendre contact avec le pole accueil, information et orientation. Toute solution que les sans abris connaissent et ont déjà essayé, sans succès. Notamment parce qu’ils ont des chiens et qu’ils n’ont pas l’intention de les abandonner. L’élu juge cependant « la situation complexe et délicate qui est devenue inacceptable suite au meurtre d’une jeune fille jetée dans le canal début Août ». Ce qui inquiète aussi l’élu, c’est la mobilisation des riverains qui assistent parfois à des bagarres alcoolisées et à de petits trafics de shit. D’où la solution finalement retenue de leur accorder un terrain vague pour s’y installer provisoirement jusqu’à la proposition de les reloger dans des bâtiments promis à la destruction.
« Ce sont trois immeubles que la mairie a acheté. Ils doivent être détruits d’ici un an mais les appartements sont habitables. On a même remis l’électricité aux normes et il y aura un peu de peinture pour améliorer le tout » explique Claude Touchefeu, adjointe au maire, chargée du logement. « En contre partie, les jeunes vont devoir payer leur gaz, leur électricité et un loyer de 20 euros annuel. Ce logement provisoire, c’est un moment dans le parcours vers la réinsertion. Ça n’a pas vocation à durer, mais si ça marche pour eux, peut être qu’on étendra l’expérimentation à d’autres sans abris » dit elle. Toulouse compte en effet, 4 à 6 mille sans abris selon les associations d’aide aux SDF et 20 mille logements vides dont des dizaines d’immeubles. Deux sont d’ailleurs actuellement squatés par des sans abris à deux pas du centre ville, place Esquirol et place Anatole France.
« Avant j’étais dans la petite enfance et sans adresse, je ne peux pas trouver de travail. Là, si j’ai un toit, peut être qu’un patron voudra de moi » conclut Caroline.