bourgade

Abonné·e de Mediapart

Billet publié dans

Édition

Toulouse

Suivi par 20 abonnés

Billet de blog 4 mars 2009

bourgade

Abonné·e de Mediapart

AZF : la stratégie du doute permanent

bourgade

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En justice, le doute bénéficie toujours à l’accusé. C’est au nom du doute que des relaxes sont parfois prononcées. Le procès d’AZF ne fait pas acception. Face aux certitudes des parties civiles sur le caractère accidentel de l’explosion meurtrière, la stratégie de Total consiste donc, à défaut de pouvoir démontrer une autre origine, qu’il y a un ou des doutes dont il faut tenir compte. Par conséquence, Grand Paroisse est peut être responsable de morts et destructions, mais aucun cas Total n’est coupable. La complexité du dossier se prête naturellement à l’émergence du doute. Surtout dans sa partie expertise. Les journalistes qui sont là pour rendre compte ne sont pas des spécialistes des aspects abordés. Il leur sera donc difficile de raconter par le détail les explications des nombreux experts. Pour contourner l’obstacle, la solution, c’est de trouver des formulations qui puissent être reprises telle que. Dans ce domaine, l’avocat de Total, Jean Veil a déjà démontré, depuis le début du procès, une belle inventivité. Il a par exemple crée deux concepts : le « Non lieu implicite » et le statut de « prévenus virtuels ». Le premier n’est pas un non lieu à proprement dit, qui correspond à une décision de justice laquelle constate son impossibilité à renvoyer devant un tribunal un accusé en raison du manque d’éléments probants. Il n’y a pas lieu de l’impliqué, donc la justice prononce un non lieu. L’avocat de Total a en fait utilisé cette formulation pour expliquer que puisque par 4 fois le juge d’instruction Thierry Perriquet n’avait pas donné satisfaction aux associations de victimes de faire comparaitre Total au procès, il y avait de fait « non lieu implicite ». L’explication relève évidemment du jeu intellectuel. Ce qui n’est pas blanc n’est pas automatiquement noir. Les victimes ont en effet toujours regretté que le juge d’instruction ne s’intéresse qu’au moment précis de l’explosion, occultant du même coup, tout ce qui s’est passé en amont et peut expliquer le drame, donc justifier la présence de Total sur le banc des accusés. Le deuxième concept est également habile. A ce jour, Total et Thierry Desmaret sont des prévenus comme Serge Biechlin et la société Grand Paroisse. Ils doivent répondre des mêmes poursuites : « homicides involontaires, blessures involontaires, destructions et dégradations involontaires par l’effet d’une explosion ou d’un incendie, et infraction au code du travail ». Mais, Maitre jean Veil soutient que Total et Desmaret sont dans une situation intenable parce qu’ils devront attendre la fin du procès pour savoir si la citation directe est jugée recevable. Autrement dit, c’est après le 10 juin, date à laquelle il doit être entendu que le PDG de Total saura s’il a étendu au tribunal comme simple témoin ou comme accusé. Sur la forme, la remarque est pertinente. Sur le fond, elle relève d’une stratégie de communication. En effet, la justice n’a pas prévu d’entre deux. Donc, assis sur le banc des prévenus, Total et son PDG sont aujourd’hui bel et bien des prévenus. Le juge Thomas Le Monnyer l’a d’ailleurs clairement énoncé en parlant d’ « un seul dossier et quatre prévenus ». Reste cependant un vrai paradoxe que la justice devra résoudre. Les deux nouveaux prévenus n’ont pas été entendus comme des mis en examen. Il n’existe donc pas de dossier d’instruction sur leur responsabilité directe. A la rigueur, dit maitre Jean Veil, on ne sait pas ce qu’on leur reproche personnellement. Il y voit donc une raison pour envisager de demander le renvoi pur et simple du procès. Il n’a, en effet, dit-il pas eu le temps matériel de prendre connaissance des 136 pages de la citation directe. « On a voulu joindre l’incident au fond, puis joindre la citation directe au fond, comme des œufs pour une mayonnaise. Aucune voie de recours ne s’offre à Total » explique Maitre Jean Veil pour qui nous assistons à « un procès non équitable ».L’accusé devient en quelque sorte, par un tour de passe-passe, une victime de la procédure. Total est en fait coutumier de ce retournement de situation. Tout au long des 6 ans de l’instruction, Maitre Soulez Larivière a multiplié les demandes d’expertises complémentaires. Certaines ont été acceptées, d’autres rejetées. Les parties civiles vivaient ces demandes comme autant de mesures dilatoires destinées à retarder le procès et à semer le trouble dans les esprits. Chaque demande refusée pouvait en effet nourrir l’idée que Total était une victime expiatoire sur l’autel de la raison d’Etat. Donc qu’il y a bien un complot d’Etat pour cacher la réalité des faits.La stratégie du doute permanent se poursuit aussi sur Internet. Total comme certaines parties civiles sont présents sur la toile. Maitre Stella Bisseuil alimente, par exemple, le site procesazf.org. Elle y explique les moments forts du procès. Quand à Total, il a acquis l’adresse azf.fr qui est référencée et se présente comme « le site dédié à la catastrophe ». Dans la partie questions réponses sur le procès, le site affirme que « certaines pistes ne donnaient pas lieu à des investigations très approfondie de la part des enquêteurs ». Total fait plus qu’y réfuter l’hypothèse de l’accident chimique. Le groupe enfonce le clou sur l’acte de malveillance et la piste terroriste en reparlant, sans le nommer, du salarié franco tunisien Hassan Jandoubi, de son altercation avec un camionneur et de sa tenue vestimentaire. « Contrairement aux déclarations des experts pénaux, un acte volontaire et criminel à l’origine de l’explosion est tout à fait plausible ». Bref, on l’aura compris, dans ce procès, la communication joue un rôle d’influence non négligeable

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.