C’est peut-être l’arbre qui cache la fôret. Airbus a vendu ce vendredi 7 Novembre, 61 appareils à l’espagnol Marsans dont des A 350 et A 380. Mais l’avenir de l’industrie aéronautique s’annonce morose en 2009 et 2010.
Dès l‘an prochain, la crise économique devrait prendre l’avion. Les premiers effets en sont d’ailleurs déjà perceptibles. Ainsi Airbus qui table sur 800 appareils vendus cette année, ne compte placer que 300 à 400 appareils l’an prochain selon John Leahy, son directeur commercial. Le constructeur européen a également enregistré 71 annulations de commandes en Octobre, et 119 depuis le mois de janvier.
Pas question cependant de parler de crise. Les constructeurs aéronautiques préfèrent, pour se rassurer, utiliser le mot de « ralentissement », ce qui sur le fond, ne change rien à la réalité. Le prix du pétrole, la parité euro/dollars, et une moindre augmentation du nombre de voyageurs en sont les causes explicatives. Par exemple, au premier semestre de cette année, Américain Airlines a dépensé 665 millions de dollars en plus pour le carburant, United Airlines 618 millions, Delta Airlines 585 millions, Northwest 445 millions de plus et Continental a dépensé 53,2% supplémentaires pour faire voler ses avions.
Dans le même temps, le nombre de passagers a baissé de 2,9% en Septembre. C’est la première fois depuis 5 ans, c’est-à-dire depuis la crise liée au risque de pandémie due à la grippe aviaire, Air France a enregistré en Octobre une baisse de 10% du nombre de voyageurs dans sa business class - la plus rentable - sur les lignes en direction des Etats-Unis et de l’Asie. British Airways reconnaît même une baisse de 40%.
Ce qui est inquiétant, c’est que « la détérioration du trafic est particulièrement rapide et étendue » expliquait à l’Expansion du 24 Octobre dernier, le directeur de l’IATA, l’Association internationale du transport aérien, laquelle regroupe 230 compagnies à travers le monde. Leurs pertes cumulées sont estimées à 5, 2 milliards de dollars et toutes ont en projet de faire des économies plus ou moins importantes. Air France confiait ainsi aux Echos, son désir de diminuer ses effectifs de 3% . La compagnie ne remplacera pas les départs en retraite et connaîtra une croissance nulle jusqu’en 2010. Avec son partenaire KLM, Air France veut économiser 7 à 800 millions d’euros d’ici 2011 et 1,3 milliards d’euros d’ici 2013.
Et ce n’est pas tout. De nombreuses compagnies aériennes ont déjà mis la clé sous la porte. On dénombrait fin Septembre 2008, 24 faillites de compagnies bas coût sur deux ans, comme par exemple Sterling Airways, Sky bus ou l’allemand DBA. Des compagnies qui sont d’excellents clients d’Airbus et de Boeing et qui, du même coup, renoncent à leurs achats. Sky Bus avait, par exemple, commandé 65 A 320 dont-elle ne prendra pas livraison. L’indien Kingfisher a renoncé à sa commande d’ A340 transférée par Airbus sur un autre client Arik Air et l’indien réserve sa décision finale concernant sa commande de gros porteur A 380. En Août dernier, United Airlines annonçait à la SEC, le gendarme de la bourse américain, qu’ « il est hautement improbable qu’UA prenne livraison de ces appareils ». En l’occurrence, il s’agissait de 42 A 319-320 pour laquelle la compagnie avait déjà versé 91 millions de dollars sur une facture de 2,2 milliards de dollars.
Dans ces conditions, on comprend mieux que pour Airbus et Boeing, il soit difficile de vendre des avions. Surtout que les deux constructeurs sont également confrontés à une autre réalité pénalisante, l’augmentation du prix des matières premières nécessaires à la production d’avions. Le prix de l’aluminium a ainsi augmenté de 90% ces trois dernières années, celui du titanium de 30%, celui de la fibre de carbonne de 60% rapporte sur son site, le journaliste spécialisé aéronautique Gil Roy.
Airbus, comme Boeing, ont cependant de quoi voir venir. Le carnet de commandes de l’européen est actuellement plein. Il représente l’équivalent d’ au moins 6 ans de production avec 3075 appareils à construire et livrer. De plus, pour engranger des commandes et soutenir ses clients, Airbus Airbus est prêt à les aider à se financer à hauteur de 2 milliards d’euros en 2009. « Nous avons déjà fait du financement des ventes après le 11 Septembre 2001 (…) il y a eu 18 mois difficile mais nous n’avons pas perdu d’argent, ce n’était pas un argent mal placé » expliquait, il y a quelques jours, Fabrice Bréguier, le Directeur Général d’Airbus.
Enfin, il y a des marchés porteurs à explorer. La chine est actuellement le deuxième marché aéronautique mondial. Ce pays qui compte 36 compagnies aériennes, 100 nouveaux aéroports en construction, aura besoin d’ici 2030 de 3.400 avions. Il est potentiellement un concurrent puisqu’il produit déjà un avion régional de moins de cent places pour son marché domestique et bientôt un avion de 150 places. Mais son besoin de moyens longs courriers et de gros avions est important. Il ne pourra les trouver qu’auprès d’Airbus et de Boeing. La Russie a également un besoin urgent d’avions neufs et performants. Seule la moitié de sa flotte de quelque 5 mille 700 appareils est en état de voler.
L’avenir de l’aéronautique est donc provisoirement morose mais le rebond est une question de temps. Le risque pour les constructeurs est donc celui de parvenir à faire la soudure sans trop y laisser des plumes.