Pas question de modifier la réforme, mais on peut en discuter. C’est en substance ce que propose la ministre Valérie Pécresse aux enseignants chercheurs. Leur réponse est simple : 9 présidents d’université demandent l’abandon de la réforme et les enseignants chercheurs manifestent à nouveau à Toulouse comme à Paris.
La réforme a en fait déjà un an. L’an dernier, ce sont les étudiants qui s’étaient mobilisées contre elle. Cette fois, ce sont les enseignants chercheurs. Ceux de l’Université Paul Sabatier de Toulouse ont le soutien logistique de leur président qui met à la leur disposition les salles dont ils ont besoin pour affiner leur mobilisation. Pourtant, au départ, leur président était plutôt favorable à la réforme. Mais finalement, il doute de son efficacité pour ne plus redouter que les effets négatifs, c'est-à-dire la mise en concurrence des universités dans leur quête de finances issue du privé. Quand aux enseignants chercheurs, ils parlent de remise en cause du service public. « Finalement, c’est de cela qu’il s’agit » explique Jean Olivier. « Moi, je suis docteur en écologie. Je cherche du travail. Si le CNRS ne crée plus d’emplois à statut, on aura le choix entre s’expatrier ou accepter des emplois déqualifiés sur des durées limitées. C’est mauvais pour la recherche, et pour l’enseignement qui a besoin de nouveaux savoirs à transmettre. » Même tonalité à l’Irit, l’Institut de Recherche en Informatique de Toulouse. C’est là que Pablo Seban est actuellement doctorant. « C’est l’histoire de la modulation de service. En fait dans la pratique, avec les suppressions d’emplois, ca veut dire que l’essentiel des chercheurs, y compris les chercheurs de qualité, et c’est le prix Nobel de physique qui le dit lui même, devront faire plus d’enseignements parce que moins de postes pour faire autant d’enseignements, cela veut dire plus d’enseignements pour les chercheurs. » Et surtout ne lui dites pas que les enseignants chercheurs redoutent d’être évalués. « Les évaluations sont permanentes » dit-il. « On publie le résultat de nos recherches dans des revues scientifiques. Il y a donc un contrôle permanent et transparent ». Pour le prouver à Nicolas Sarkozy qui en doute, les enseignants chercheurs se proposent d’ailleurs de lui envoyer la totalité des publications qu’ils ont effectuées l’année dernière, « ce qui lui évitera de nous mépriser ».Rejetée par les uns, la réforme est toutefois soutenue par d’autres. Une vingtaine d’universités l’appliquent déjà. C’est le cas à Science sociale Toulouse. Depuis Le 1 er janvier, le président Bruno Sire gère directement ses personnels et son budget. « Je ne suis pas un PDG »assure t-il « mais plutôt un manager, le maire d’une petite commune avec 1100 électeurs puisque je suis élu et contrôlé par mon Comité d’administration ». Le budget de son université a plus que triplé. « On est passé de 24 millions à 80 millions d’euros dont 1 million et demi seulement provient des entreprises privées qui financent des recherches ou des formations pour leur personnel. On ne peut donc pas dire, comme je l’entends, que l’université est privatisée. Par contre, l’autonomie, que je soutiens, nous donne les moyens de concurrencer Oxford ou Barcelone dans la recherche des meilleurs éléments. ».
Le Président de l’université est en effet désormais un gestionnaire et un recruteur. Ce qui fait dire aux opposants qu’ils sont désormais dépendants de son bon vouloir pour la gestion de leur carrière, ce qui remet en cause le caractère national du statut d’enseignant chercheur. Mais là, on est plutôt dans le mercato. « Pour la premier fois cette année, on est allé sur le job market qui se tient à Chicago. On y est allé avec trois postes de maitres de conférences avec une rémunération attractive. On est en train de faire des auditions pour arriver à recruter des chercheurs de premier plan. Les pourparlers qu’on a sont beaucoup avec des européens et même des français. Moi je suis fermement convaincu que l’autonomie fait beaucoup pour le développement de nos universités ».
Toutes les universités n’ont pas ses atouts. Science sociale a des chercheurs en économie, en gestion, en administration. Des matières qui peuvent intéresser les entreprises. D’ailleurs parmi les financeurs privés, il y a la BNP, Pernod Ricard, Airbus, des entreprises qui espèrent des retombées de leurs investissements. Mais qui sera intéressé à financer une recherche en géographie ou en sémiologie ? Faut il, au nom de la prétendue utilité d’une recherche, abandonner des pans entiers de la recherche ? Les enseignants chercheurs se font une autre idée de leur métier, c’est pourquoi, loin de refuser toute évolution, ils s’affirment opposer à celle qu’on leur impose.