Il y a des économistes optimistes. Ils voient la sortie de crise pour 2010. La méthode Coué a cependant ses limites. Celles de la réalité quotidienne. Des milliers d’emplois disparaissent sans que les nouveaux emplois promis apparaissent. Même dans l’industrie aéronautique, les turbulences sont de plus en plus fortes. A la veille du salon aéronautique du Bourget qui se tient du 15 au 18 juin, Airbus croise les doigts.
Les raisons ne manquent pas. Il y a tout d’abord un contexte particulier. L’accident de l’A 330 Rio Paris fait douter les compagnies aériennes. Air France a ainsi décidé de remplacer toutes les sondes de ces A 330 qui indiquent au pilote automatique la vitesse de vol. Il y surtout le ralentissement généralisée du transport aérien. Selon l’Association Internationale des Transporteurs Aériens, évoqué par les Echos de ce lundi, le trafic devrait baisser cette année de 8%. Ce qui représente 180 millions de passagers en moins. Soit presque trois fois plus que les 30 millions de voyageurs en moins au cours des deux dernières années. En clair, les compagnies aériennes vont perdre 8 milliards de dollars, mais surtout, elles vont diminuer encore le nombre de leur vol pour faire le plein des avions qui décollent. Elles vont aussi, probablement, retarder la prise des avions qu’elles ont commandés à Airbus et Boeing. L’IATA estime que cette crise aéronautique va durer au moins trois ans.
C’était déjà le cas, en Avril dernier, de la compagnie australienne Quantas. Elle annonçait des suppressions d’emplois, une baisse de ses résultats prévisibles en 2009, mais surtout, elle demandait le report de livraison de 4 A 380 à Airbus et 12 Boeing 737 au constructeur américain. Emirates, qui a commandé 58 appareils dont 4 sont en service, révélait de son côté des difficultés sur ses avions. Des problèmes de « câbles électriques brulés, de tôles d’habillages arrachés et (même) de problèmes affectant certains éléments du moteur ». Aujourd’hui, c’est le loueur d’avion ILFC qui parle, selon le site internet d’un journal allemand, d’annuler ou de reporter la livraison de 10 A 380 parce que « l’intérêt de nos clients pour cet avion faiblit » prècise l’AFP. Cette annulation, si elle devait avoir lieu, constituerait d’ailleurs une première, préjudiciable au constructeur européen.
Le constructeur a d’ailleurs déjà pris la mesure de la récession. Il ne produit plus, depuis Mars, que 34 A 320 par mois au lieu de 36. Quand aux livraisons d’A 380, elles ne seront que de 14 cette année au lieu des 18 annoncées, et 21 initialement prévues. Pour 2010, Airbus sait déjà qu’il ne livrera pas les 30 A 380 qu’il avait pourtant planifié. Sans compter qu’Airbus est aussi confronté à une autre difficulté fort couteuse. L’ A 400 M n’a toujours pas effectué son premier vol d’essai qui pourrait avoir lieu, selon Louis Gallois le PDG d’EADS, d’ici la fin de l’année. Les armées des pays clients s’impatientent. L’addition est déjà estimée, pour le retard actuel, à 1,4 milliards d’euros de pénalités. Et les pays acheteurs ont donné jusqu’au 1 er juillet prochain à Airbus pour négocier des solutions acceptables par tous. Théoriquement, les commandes non honorée à cette date serait caduque. Une hypothèse inconcevable. Hervé Morin , Ministre de la défense, expliquait, il y a deux mois, que cet avion était nécessaire aux armées européennes, et qu'il n'y avait pas d'autres solutions en vue. Aujourd'hui, rien n'est réglé. EADS s'apprête, juste après le salon du Bourget, a demander 6 mois de délai supplémentaires à ces clients.
Le premier semestre n’a pas non plus été faste pour le constructeur européen. Il n’a enregistré que 30 commandes d’avions pour 19 annulations. Résultat net, 11 avions vendus seulement. Mais Airbus, comme Boeing, a l’habitude de thésauriser les annonces de commandes pour en faire des annonces au cours du salon du Bourget. Cela dit, sur cette base, les spécialistes estiment que le constructeur aura du mal atteindre les cents avions commandés. John Leahy, Directeur Commercial d’Airbus parle lui de 3 à 400 ventes. Mais « on sera plus prés de 300 » disait il, il y a quelques semaines. Par contre, l’avionneur devrait livrer autant d’avion en 2009 qu’en 2008, soit 483.
Il y a aussi d’autres signes qui disent que la crise est profonde. Pour la première fois, les jeunes formés dans l’école Airbus ne sont plus assurés d’un débouché certain chez l’avionneur. En temps normal, ils suivent une formation aéronautique longue type BAC pro ou BTS, au lycée aéronautique et ils sont embauchés automatiquement en CDI. Cette fois, Force ouvrière regrette « que ces embauches se fassent pour la première fois par le biais de contrats précaires ». Enfin, La compagnie américaine United Airlines met en compétition Airbus et Boeing pour une commande de 150 appareils. Elle choisira entre l’A 350 et le Boeing 787 sur les qualités réelles de ces deux avions, mais aussi sur le prix que les deux constructeurs voudront bien lui faire. La concurrence est donc économique. Pour remporter la commande de 7 milliards d’Euros, les deux avionneurs devront consentir des soldes à l’acheteur.
Bien sur, tout ceci peut être relativisé. Airbus a 3.500 avions dans ses carnets de commandes, soit l’équivalent de 5 à 6 ans de travail. Et l’avionneur cherche encore et toujours à faire des économies. Ainsi, après le plan Power O8 plus, le plan Vision 2020, prévoit de produire davantage en zone Dollar qu’en zone Euros. Dans les prochains mois, Eads pourrait d’ailleurs signer un accord avec le Vietnam a expliqué, il y a peu, Louis Gallois.