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Billet de blog 13 mars 2009

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AZF : la CGT face à la CGT

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Selon les cas, on appelle cela un don d’ubiquité ou de la schizophrénie. Quoi qu’il en soit, la CGT est sur les deux tableaux. D’un coté, la fédération chimie aux cotés des parties civiles. De l’autre, jacques Mignard, aux cotés de Total. Ce retraité, toujours adhèrent de la CGT, a pendant longtemps été porte parole du syndicat dans l’usine AZF. Aujourd’hui, il est sur une position proche de la direction et défend les intérêts d’une partie des ex-salariés en présidant l’Association AZF Mémoire et Solidarité.

Entre eux, la rupture est consommée depuis des années. Il y a en effet des intérêts divergents et une vision différente des causes de l’explosion : accident pour les uns contre hypothèses multiples pour les autres. Les anciens salariés n’ont en fait jamais supporté, que la presse, en l’occurrence la Dépêche du Midi, qualifie, quelque temps après l’explosion, l’usine AZF d’ «usine poubelle ».

Au procès, l’ancien directeur Serge Biechlin parle d’ailleurs, sans rire, d’ «usine modèle en Europe ». Pour être sur qu’on le comprenne bien, il le répète plusieurs fois. Ce qui fait bondir les victimes et la Fédération chimie de la CGT. « Pour nous, c’est un accident du travail, le résultat d’une politique industrielle liée au fonctionnement d’un groupe qui a pensé davantage à ses bénéfices qu’à la sécurité des populations » explique Pascal Tailleux. Il affirme même que rien n’a fondamentalement changé dans l’industrie chimique depuis cette catastrophe. Et ce, malgré les 90 propositions de la loi Bachelot de 2003. « On n’a pas arrêté de sous traiter, y compris le risque industriel » dit-il. Alors bien sûr, « Je comprends les anciens salariés » ajoute t-il. « Ils ont perdu des copains, ils ont perdu leurs emplois, le site a disparu. L’explosion a tiré un trait sur des années de travail, mais je crois que l’affect a pris le dessus sur la réalité. »

Jacques Mignard est notamment visé. Il a travaillé 30 ans à AZF. Rescapé de l’explosion, ses premiers gestes ont été de porter secours à ses collègues. C’est pourquoi, à la barre du tribunal, il ne peut qu’affirmer que l’usine était « très correctement tenue. Nous avons été trainés dans la boue, notre honneur de salariés a été bafoué ». L’ancien syndicaliste reste toutefois sur le registre de l’émotion et de l’omission. En effet, quelques jours après l’explosion, Marc Gianotti, qui était à l’époque le porte parole cgt AZF, expliquait qu’un investissement d’un million et demi de Francs pour la sécurité avait été différée. « Les patrons sont les seuls et vrais responsables de la sécurité dans l’usine » disait-il à l’Humanité du 13 Juin 2002. Le syndicaliste y parlait aussi des luttes conduites contre la remise en cause du statut des sapeurs pompiers chargés de la sécurité dans l’usine. Il expliquait enfin que « nous n’avons eu de cesse d’alerter sur le développement de la sous-traitance pour réaliser des gains de productivité et de revendiquer que les ouvriers embauchés par ces entreprises soient embauchés par le groupe, puis formés ». La même critique apparaissait noir sur blanc dans le rapport d’étape du cabinet Cidecos Conseil, en Septembre 2002, dont la CGT avait caché l’existence. Ce rapport, commandé par le CHSCT lui-même, indiquait que « le tas de nitrate d’ammonium (qui a explosé) reposait sur une dalle en béton en très mauvaise état. (…) la couche de béton y avait pratiquement disparu sous l’effet de la corrosion et de l’action des engins de manutention (…). Le bâtiment, constamment ouvert et exposé au vent d’autan, connaissait fréquemment des conditions d’humidité importantes. A certains moments, le sol se trouvait rempli de falques d’eau et recouvert par endroits d’une « boue » de nitrate de couleur marron »… etc.. ce qui, pour une usine modèle, fait plutôt tâche.

Cette histoire de rapport masqué est d’ailleurs significative. C’est à partir de ce moment là que la CGT a changé de porte parole, Jacques Mignard effaçant Marc Gianotti. Dans la foulée, en 2003, il créait l’association AZF mémoire et solidarité qui depuis continue d’agiter l’idée de l’attentat islamiste, de la chute d’un aéronef, de l’arc électrique, etc.

« Nous sommes trop vieux copains depuis trop longtemps pour que je parle de ses délires avec lui » conclut Pascal Tailleux.

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