Il y a des coincidences qui font sens. Total annonce 14 milliards d'euros de bénéfices et dans quelques jours, Thierry Desmaret sera probablement absent devant le tribunal correctionnel de Toulouse pour répondre de l'explosion survenue le 21 Septembre 2001 à l'usine AZF. Pourtant pour cette explosion, le groupe a déjà payé 2 milliards d'euros de dédommagements aux victimes. Ce qui est une manière de reconnaitre sa responsabilité. En effet, le procès qui doit s'ouvrir le 23 février prochain, doit en premier lieu examiner la question de la présence ou de l'absence du Pdg de Total convoqué sur citation directe.
La présence du Pdg, dans le box des accusés, n'est pas qu'une question purement symbolique. Certes, Total, plus grande entreprise française, fait figure d'Etat dans l'Etat dont la politique étrangère ne peut pas nuire à Total sans nuire à la France. Ce qui fait de Total, une société pratiquement intouchable. C'est aussi une question morale et juridique. Morale, parce que les victimes ne comprendraient pas que Total ait encaissé les bénéfices du fonctionnement d'AZF sans en supporter les responsabilités. L'explosion a tué 30 personnes, fait 5 mille blessés plus ou moins graves, et détruit 25 mille logements et entreprises, aujourd'hui reconstruits.
D'ailleurs, Thierry Desmaret, s'il était mis en examen dans ce dossier le serait, non pas au titre de personne physique, mais en tant que représentant de la personne morale constituée par la société Total. Ensuite, juridique parce qu'AZF, société du groupe Grande Paroisse, était une filiale de Total et que techniquement, elle dépendait, pour ses choix d'investissements, des choix de Total. Or, dans ce procès, au delà des hypothèses qu'agitera l'avocat d'AZF, Maitre Soulez Larivière pôur disculper la société, c'est à dire la piste de l'attentat, de l'arc électrique, de la chute d'un aéronef, de la malvaillance, etc, il y a, au centre de ce procès, la question du fonctionnement d'AZF dont Total fixait les régles et les objectifs afin que les actionnaires puissent toucher leur part. Le justice pourrait donc, avec retard, juger utile la présence et les explications du Pdg.
Cela dit, si tel était le cas, la justice mettrait fin à 7 ans d'aternoiement. En effet, cette mise en examen est réclamée par les parties civiles depuis de nombreuses années sans succés. Mais elle est peu probable. Le parquet a en effet eu le temps de réfléchir à cette opportunité tout au long de l'enquête qui représente environ 54 mille pages de documents, soit 109 tomes. Le tout a d'ailleurs été mastérisés sur des cdroom pour permettre aux avocats de transporter avec eux les éléments d'un procès qui s'annonce particulièrement long ( 4 mois sont prévus) et complexe ( plusieurs dizaines d'experts en tout genre seront entendus).
L'absence ou la présence de Total au banc des accusés, au moment où celui ci engrange des bénéfices records, sera finalement une manière de dire si, pour la société, le plus important est de rendre compte aux actionnaires ou de rendre compte aux survivants.