Quand avec le printemps, l'ours pyrénéen sort du bois, les opposants crient invariablement au loup. Depuis Mars, ils l'ont déjà fait deux fois pour dénoncer une brebis éventrée et la présence de l'ours Balou quelque part sur la route entre Foix et St Giirons, c'est à dire assez loin de son lieu d'hibernation sur la commune d'Aulus les bains. L'épisode de l'ours dévastateur va donc assurément connaître de nouveaux développement dans les prochaines semaines. les pros et les anti ours ne vont pas s'empailler sur l'opportunité, mille faux débattues, de l'ours dans les Pyrénées. Le programme engagé, il y a déjà douze ans, sera en effet poursuivi assurait en juillet dernier la nouvelle ministre de l'écologie,Nathalie Kosciusko-Morizet.
Le bras de fer devrait au contraire prendre une tournure plus technique. En effet, le ministère de l'écologie doit prochainement rendre compte du travail de quatre inspecteurs qui de Novembre 2007 à Février 2008 ont rencontré quatre vingt élus, éleveurs, bergers des trois principaux départements concernés: la Haute Garonne, les Hautes Pyrénées, et les Pyrénées Atlantique, là où une vingtaine d'ours slovènes et autochtones vivent, mangent et se déplacent au gré de leurs besoins d'espaces et de nourriture. Ils ont aussi, avec les pros et les anti ours, visité plusieurs pays - la Slovénie qui fournit les ours pyrénéens, les Asturies espagnoles, Le Trentin italien - pour tirer un bilan de la cohabitation entre les hommes et les ours.
Pour technique qu'elle soit, la mission des quatre inspecteurs aura des conséquences sur de nouvelles réintroduction d'ours dans les Pyrénées. En effet, le seuil de vingt ours est, pour tous les spécialistes notoirement insuffisant à assurer le maintien de l'espèce. il faudrait donc d'autres ours, ne serait ce que pour remplacer Palouma morte accidentellement dans un ravin et Franska, percutée par deux voitures sur la nationale 121 prés de Lourdes, le 9 août de l'an dernier. Mais tout nouveau lâcher risque également de relancer la dynamique des opposants qui ont déjà organisé des battues médiatiques à l'ours pour faire monter la pression au motif que l'ours agressent et tuent chaque année entre 300 et 350 brebis sur les 600 000 mille qui montent chaque été dans les estives. Des brebis qui sont naturellement indemnisés par les autorités au prix de 160 euros par tête.
L'audit des inspecteurs a donc pour objectif de pacifier le débat en l'élargissant : "En Espagne" constate Denis Laurens, l'un des inspecteurs, cité par la revue Empreintes n°4, "l'ours autochtone est très approprié par la population. il est un réel facteur de développement touristique. Dans le Trentin, territoire plus comparable aux Pyrénées, (...) il y a toujours débat mais les élus se sont appropriés la question de l'ours". Une démarche plus positive que l'acceptation ou le refus sur la base d'un éventuel clientélisme électorale typiquement français.
L'association Adet pays de l'ours fait le même pari d'une intelligence collective. Elle a prévu d'organiser du 15 au 17 mai prochain à Luchon, un colloque international intitulé: des ours, des loups, des hommes, initiatives européennes pour la cohabitation et la valorisation. Y participeront des pays qui ont encore des loups et des ours comme la Slovènie ( 700 ours), la Russie ( 11.100 ours), l'Espagne ( 120 ours), ou l'Albanie, la Turquie, la Grèce et le Portugal. Au cours de ce colloque, les participants évoqueront probablement les exemples et contre exemples d'une bonne réintroduction. Parmi les exemples à suivre, celui du parc naturel de Somedio en Asturies. La bonne utilisation de l'image de l'ours a produit des effets bénéfiques au plan humain et économique. Ainsi, d'après le maire de Somédio, Belarmino Fernadez Fervienza, les aides agro-environnementale et les primes de pâturages sont pratiquement le double de ce que perçoivent ailleurs les éleveurs. Conséquences pratiques, la dépopulation a été stoppée et le nombre d'élevages bovins est passé de 350 en 1988 à 185 aujourd'hui, soit plus de population et de vaches( 7.000 aujourd'hui ). Le nombre de visiteurs de l'éco musée consacrée à l'homme est devenue un outil pédagogique qui drainent jusqu'à 150 mille visiteurs contre 30 mille précédemment. 80 hôtels se sont aussi implantés sur place pour accueillir cette population touristiques qui par sa présence crée de l'emploi. Au total, l'élu parle de 150 emplois de services.
Cet éco développement inspire d'ailleurs visiblement le maire d'Arbas François Archangelli qui veut crée un éco-musée de l'ours pédagogique pour les citadins et les écoliers et il n'est pas le seul à parier sur l'ours comme moteur de développement. L'association "les estives du pays de l'ours" commercialise sous le label "broutard du pays de l'ours" sa production de viande tandis qu'un fromager utilise comme marque de fabrique une empreinte de l'ours directement sur ses fromages. la présence de l'ours a suscité la création d'une centaine d'emplois saisonnier de bergers d'après "la buvette des Alpages". Le tourisme semble aussi devoir constituer un pan possible de développement si l'on en croit deux sondages Ifop de 203 et 205 qui montrent que pour une majorité de deux tiers des gens, l'ours fait partie de l'identité des pyrénées et constitue un moyen de valorisation de ces régions excentrés.
Naturellement, les anti-ours, ceux de l'aspas en particulier, contesteront ces données au nom précisément de l'identité pyrénéennes et de la tradition pastorale. Au film poétique, pédagogique et pro ours de michel Tonnelli: "vivre avec les ours", ils opposeront le livre de Violaine Bérot: "l'ours, les raisons de la colère" aux éditions Cairn.
A mi parcours du plan ours qui prévoit en plus de la restauration de l'ours brun dans les Pyrénées et un soutien à l'économie montagnarde, l'audit des experts et ce colloque sur l'avenir économique du massif articulé autour de la présence de l'ours devraient revenir à l'essentiel: la nécessaire cohabitation entre l'homme et l'ours dont les Pyrénées sont aussi le milieu naturel.
F. Bey