Le procès azf démarre vraiment sur les chapeaux de roues. 7 ans et 5 mois après l’explosion de l’usine, le tribunal a tout d’abord réactualisé le nombre de tués. Il était officiellement de 30 dont 21 salariés, il est désormais officiellement de 31. La 31 ième victime est une dame de 89 ans décédée deux jours après le drame. Total, qui a déjà dépensé 2 milliards d’euros d’indemnités, est convenu de dire que cette mort pouvait être imputable à l’explosion elle-même. Sur le fond, cela ne change rien. Sur la forme, cela fait même plutôt mauvais effet. La décision aurait en effet pu être prise, il y a longtemps. Le fait de le décider aujourd’hui donne le sentiment que, dans cette affaire, tout est vraiment exceptionnel.
L’autre surprise est venue de Maitre Decaunes, avocat d’une famille de victime, dont le père et mari, ingénieur chez AZF est mort dans l’explosion. L’avocat a en effet demandé que soit entendu Jacques Chirac, qui était à l’époque, Président de la République, et Lionel Jospin, premier ministre. « Nous voulons leur demander, grâce à quelles informations, ils ont pu déclarer à Toulouse le 21 Septembre, que l’explosion était d’origine accidentelle ».
Jacques Chirac a déjà fait savoir par écrit qu’en raison de l’article 67 de la constitution, il ne pouvait pas être entendu dans le cadre d’un évènement survenu pendant qu’il était Président. D’autant ajoute t-il qu’il « n’avait pas été témoin des faits ». Ironiquement, maitre Decaunes a expliqué qu’il ne désespérait pas de voir l’ancien président se présentait spontanément devant le tribunal.
A l’inverse, Lionel Jospin, qui n’a pas de parapluie à ouvrir, et à qui l’époque était aussi conseiller général du canton de Cintegabelle en Haute Garonne, a fait savoir qu’il était prêt à venir à l’audience. Mais que la chose serait sans doute décevante puisqu’il ne peut pas apporter d’informations utiles n’ayant pas été témoin des faits d’autant que l’instruction a été conduite « sans interférence du pouvoir administratif ». Le juge a donc annoncé qu’il allait écrire à Lionel Jospin pour lui demander de se présenter à la barre le 19 mars prochain. C'est-à-dire le jour où les syndicats ont prévus une journée de grève générale. D’ici à ce que son avion ne puisse décoller de l’ile de Ré, il n’y a qu’un pas.
Apparemment anecdotiques, ses premières interventions ne le sont pas. Elles mettent d’emblée le doigt là où ca fait mal. C'est-à-dire sur l’hypothèse centrale qui menace de contaminer tout le procès. L’idée selon laquelle, il y a un complot d’Etat pour étouffer les vraies raisons de l’explosion. En effet, comment deux personnalités, aussi éminentes, auraient pu dire ce qu’elles ont proféré sans être au préalable informées. On se souvient que parmi les hypothèses que doit agiter lors du procès Total, il y a celle d’une première explosion qui serait survenue à l’usine SNPE provoquant par contagion celle du hangar 221 d’AZF, usine soumise au secret défense en raison de ses activités dans la fabrication du carburant pour les lanceurs de missiles et lanceur de la fusée Ariane. Soupçon amplifiée par la phrase du procureur de la république de l’époque, Michel Bréard, qui trois jours plus tard affirmait « qu’à 90 %, c’est l’hypothèse de l’accident qui semble le plus probable ».
Ainsi, soit le 19 Mars, Lionel Jospin confirme qu’il a parlé sans savoir, sur la base d’un sentiment personnel, et il passera un peu pour un c… Soit, il fournit des éléments sur les raisons qui l’ont conduit à parler d’accident, et en ce cas, le procès connaitrait déjà son premier coup de théatre.