300 mille euros. C’est la dette de l’Iris. Une dette mineure pour un problème majeur. L’éducation des jeunes sourds. Mercredi, 2.000 Personnes manifesteront à Toulouse car il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !
Avec ses mains, elle fait des gestes qui sont autant d’arabesques complexes tandis que son visage donne corps aux mots. Confusément, chacun sent que ce qui se dit est important pour elle. Mais dans le bus, personne ne comprend. Elle est sourde, probablement lycéenne vu son âge, et elle parle la langue des signes.
Comme elle, ils sont en France plusieurs centaines de milliers à utiliser la langue des signes. Une langue à part entière qui, depuis 20 ans, a droit de cité dans les écoles de la république, principalement à Toulouse et Poitiers, grâce à l’IRIS, l’Institut de Recherche sur l’Implication de la langue des Signes. « Il y a des familles qui déménagent, qui abandonnent travail, amis et famille pour venir s’implanter ici parce qu’ils savent que leurs enfants pourront fréquenter l’école et suivre un cursus normal » explique Patrick Pawlak de l’Iris.
Cet institut est en effet précurseur. Il a ainsi financé, grâce à un prix de journée alloué par la DDASS, le salaire des enseignants traducteurs qui permettent aux enfants une scolarité de la maternelle au lycée sans interruption. Mais depuis fin 2003, la Caisse primaire d’assurance maladie a cessé de payer ce « financement parce qu’il servait à payer des enseignants et non à procurer des soins ». Il devait cependant y avoir une solution alternative formalisée par une convention avec l’Education Nationale qui n’a finalement été signée que trois ans plus tard. Ce qui explique le déficit de l’IRIS qui, pendant ce temps là, a continué à payer les enseignants en langue des signes.
L’IRIS qui, est en redressement judiciaire, est aujourd’hui menacé de fermeture pure et simple. Ce qui aurait de lourdes conséquences pour les enseignants et leurs 80 élèves. En effet, l’institut assure la coordination pédagogique, les relations avec les familles, l’évaluation en langue des signes, la formation des enseignants, la production de supports pédagogique, la recherche en langue des signes et la diffusion des résultats de cette recherche. Sa disparition fragiliserait donc tout l’équilibre patiemment construit. « Il serait inadmissible, insupportable, qu’uLn tel ensemble cohérent de services (…) disparaisse par la faute de l’Education Nationale, alors qu’en même temps, le ministre vante les avancées de sa politique concernant les jeunes sourds » explique dans un communiqué les dirigeants de l’IRIS. D’autant que sans ce dispositif, la loi de 2005 sur l’égalité des chances à l’école qui prévoit un volet insertion des « handicapés » serait de fait vider de sa substance concernant les jeunes sourds.
300 mille euros ne sont, pour l’Education Nationale, qu’une paille. Pour les jeunes sourds et leurs familles, cela fait cependant toute la différence entre une politique qui fait la sourde oreille et une politique à l’écoute de ses bénéficiaires.