« Villemur sur Tarn, le village gaulois qui résiste au prédateur ». Le panneau est affiché sur la vitre d’une auto. Plus loin, un Algeco gris est installé près de l’entrée de l’usine. A l’intérieur, quelques ouvriers et ouvrières boivent du café en regardant la télévision. Dehors d'autres déjeunent devant le portail. Tandis que d'autres encore suspendent au sapin de Noêl une guirlande de portraits des salariés en passe d'être licenciés.
Ils sont tous là pour veiller à ce que, pendant les vacances de fin d’année, la direction du sous-traitant automobile n’en profite pas pour déménager les machines et le stock. En cas d’alerte, ceux de garde ont pour mission d’appeler à la rescousse les autres salariés. Dans six heures, d'autres personnes viendront prendre la relève. Puis d’autres encore, et ainsi de suite, selon un planning établi à l’avance. C’est le dispositif mis en place par l’intersyndicale de l’usine durant Noël et le jour de l'an.
Les salariés ont des raisons d‘être méfiants. En juin dernier, la direction leur disait que tout allait bien économiquement. Quelques semaines plus tard, elle annonçait son intention de fermer l’usine et de transférer la production en juillet 2009 en Slovaquie, laissant sur le carreau 330 salariés. Le tribunal administratif a également débouté le Conseil Général et la mairie de Villemur qui considéraient la délocalisation comme injustifiée puisque l’entreprise réalise des bénéfices.
Et puis, il y a l’expérience vécue par d’autres salariés, un peu partout en France, quelque soit la taille de l’entreprise. Ainsi, la chose s’est encore produite tout dernièrement, à Bois Grenier près de Lille. Un matin, les dix salariés d’une société de fabrication de charpentes métallique ont découvert que durant la nuit, la direction belge avait fait déménager les machines. Cette pratique des « patrons voyous » est d’ailleurs le thème du dernier film de Benoît Delépine et Gustav Kerven, dont le titre est à lui seul une invitation à la résistance, « Louise, Michel ».
A Villemur sur Tarn, les salariés préfèrent donc prévenir plutôt que guérir. En mettant sous surveillance les camions qui entrent et sortent de l’usine, ils préservent leur avenir. Lequel n’est pas vraiment rose. En effet, une fois Molex parti, il ne restera aucune entreprise capable de fournir du travail aux 330 licenciés. Personne, non plus, ne croit qu’un plan social permettra de trouver du travail. Les bureaux de reconversion proposent en général des formations plus ou moins bien adaptées à la réalité locale mais aucun ne créera l’emploi qui fait défaut dans ce secteur géographique.
D’ailleurs, plusieurs années après la fermeture de Valéo, autre sous-traitant automobile, à Labastide St-Pierre, la moitié des ex-salariés sont encore à la recherche d’un emploi. Ceux qui en ont retrouvé un ont du accepter des baisses de revenus ou se reconvertir dans des emplois de service peu rémunérateurs. La ville et le Conseil Général sont toujours aux cotés des salariés malgré la décision du tribunal administratif de les débouter de leur requête au motif que le préjudice liée au départ de Molex n’est encore qu’hypothétique car non réalisé. Eux aussi ont a y perdre, près d’un million d’euros de recettes fiscales annuelles.
C’est pourquoi, les salariés n’ont pas d’autre chose que de s’organiser pour obtenir des actes concrets de l’Etat qui, par la voix de Nicolas Sarkozy comme du ministre Luc Chatel, parle de sanctionner les entreprises qui par cynisme profiteraient de la crise actuelle pour délocaliser.