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Billet de blog 29 janvier 2009

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Sarko, tu la vois ma manif ?

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56 mille selon la police, 90 mille selon les organisateurs à Toulouse. La vérité n’est pas au milieu. Elle est dans le caractère massif de la manifestation, dans son caractère hétéroclite, dans son ras le bol éruptif. Désormais, Sarkozy devrait se rendre compte qu’il y a grève en France quand les salariés descendent dans la rue.

De la place Arnaud Bernard à St Cyprien, il y a un bon kilomètre et demi de foule, compacte et sereine, colorée, calicots au vent, sous le soleil. Des Sud, des Cgt, des Unsa, des FO, des Cfdt, des Cgc, etc. Une foule, de tous les âges, de toutes conditions, forte de sa diversité et de son unité retrouvée, au moins pour ce cortége, même si chacun se range avec les siens. C’est ainsi, qui se ressemble s’assemble. Les directions syndicales aiment à compter leurs troupes, mesurer leur influence. Et puis, on ne mélange pas encore les torchons et les serviettes, on n’oublie pas vraiment les ferments de division. « Dire que la Cfdt a osé signé la nouvelle convention Unedic » ironise Jean Jacques, syndiqué à Sud et militant NPA. « les chômeurs ne leur disent pas merci ! » rajoute Christian de la CGT chômeurs et précaires.

En tête de défilé, les Molex. Ils sont le symbole de la manif. Eux dont l’entreprise fait des bénéfices, et qui sera délocalisée en juillet prochain en Tchéquie parce que la direction de l’équipementier automobile ne la trouve pas assez rentable. Ils sont en bleus de travail, prés de deux cents, hommes et femmes, mobilisés depuis six mois, qui jettent toute leur force dans une bataille, sans doute, perdue d’avance. La direction est américaine et la loi n’interdit pas à une entreprise de disparaître. Quand à Sarkozy qui déclarait ne pas accepter cette logique financière, on l’attend toujours devant le portail de l’usine.

Plus loin, justement, la voiture de Sarko 1 er est avancée. Un 4X4 blanc décapotable, avec ses « men in black », oreillettes dans l’oreille, lunettes noires, dressés comme un rempart sur le marche pied du véhicule qui avance doucement. Dedans, un intermittent du spectacle, figure de Sarko sur le visage, joue les vedettes bling bling. La foule derrière lui lance de manière amusée quelques « casse toi pauvre con » que des colleurs d’affiches ont aussi placardé tout au long du chemin. Les caméras filment. Sûr qu’on verra l’image à la télé quand elle ne sera plus en grève. FR3 a en effet sorti son camion dans lequel ont pris place des journalistes pour, micro à la main, « défendre une certaine idée du service public ». Ceux qui ne parlent pas, s’affichent en hommes et femmes sandwich :« Ni pub, ni soumise », « Et la grève à la télé, Sarko, tu la vois ! », « touche pas à mon poste ». Ou à ma poste. Car les facteurs, qui ne s’appellent pas tous Olivier, sont là en masse. De même que les instits. « Sur 400 écoles toulousaines, prés de 350 étaient totalement fermées » affirme Michel de l’école primaire Jules Ferry. Ce qui ferait prés de 70% de grévistes. Impossible dans ces cas là, d’assumer le SMA, le Service Minimum d’Accueil. Chez les profs, dans les lycées, les assemblées générales étaient pleines, mais « je cherche mes collègues et je les trouve pas. Je ne sais pas qui a la banderole » s’inquiète Lucien qui est sur et certain qu’ils sont là. « Je ne comprend pas, on avait rendez vous sous l’horloge ».

Il y a aussi des lycéens, sac East back sur le dos, et dans la masse, des chercheurs, des doctorants qui refusent la réforme des universités. « C’est le président de l’université qui pourra demain me contraindre à plus d’enseignements s’il estime que ma recherche n’est pas assez performante » explique Jérôme qui rappelle que le 2 février prochain, tous les chercheurs feront grève.

Ce qui domine, ce sont donc les corps constitués, les corps intermédiaires. Ce qui n’empêche pas une certaine défiance. Beaucoup ont fait leur petit panneau pour marquer leur différence comme autant de messages personnel. Tandis que les militants se livrent à des joutes oratoires.

« D’accord, on est nombreux aujourd’hui, et c’est très bien, mais demain, on reprend le travail et après ? on aura juste perdu une journée de salaire sans résultat. Nous avons besoin de victoires » explique Jean Jacques. « C’est un mouvement comme en 1995 qu’il nous faudrait mais les directions syndicales ne sont pas prêtes à écouter la base, elles sont trop partie prenante du système, des combinaisons ». Et en même temps, « la réussite de cette journée, c’est justement d’avoir pris le temps de la mobilisation à la base » lui réplique Frédéric, militant CGT. « On ne peut pas aller plus vite que la musique. »

La musique, justement. « De tous les chants, le plus beau est le chant des revendications » disait le poète Jacques Bertin dans une de ses chansons. Aujourd’hui, dans la manifestation, rares sont les slogans. Ce sont les sonos des camions syndicaux qui donnent le ton. La manif n’en est pas plus festive, et la colère, dont parlent certains panneaux, décrite par les leaders syndicaux, n’est qu’un mot. C’est sûr, personne demain n’aura d’extinction de voix car dans la manif, on marche, on parle, on ne crie plus, on ne crie pas. S’il nous regarde depuis sa fenêtre, le Pouvoir pourrait nous prendre pour un cortège funèbre

Et puis, il y a les partis politiques. Ceux qui aspirent à être demain l’alternative. La rose des socialistes, bien groupés, bien rangés, bien badgés. beaucoup les regarde comme étonnés de voir que dans ce parti de notables, il y a encore des gens comme nous. A force de les voir se bouffer le nez pour savoir qui sera cheftaine, on a fini par les croire comme des poissons dans un bocal, préoccupés d’eux même, uniquement. Là, ils font tâches, rose. Le PCF est là aussi. Le Nouveau parti anticapitalistes aussi, les anarchistes de l’Alternative Libertaire, et sur prés du pont des Catalans, Lutte ouvrière qui a choisi d’être vue plutôt que noyé dans le cortége.

La manif est une réussite. On parle d’un million et demi de manifestants au niveau national. Est-ce le début d’un combat pour l’emploi, les salaires, les service publics, ou le point d’orgue d’une colère rentrée qui demain va refluer faute de perspectives?

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