Les survivants et moi...
Le cinéma et moi, c'est une longue histoire. Elle a commencé jeune avec une tante qui m'emmenait avec plus ou moins de régularité au Gaumont de la Part Dieu à Lyon. Comme beaucoup d'adultes qui ne savent pas ce que veulent les enfants, elle m'a fait découvrir quelques longs métrage de Walt Disney, certains assez chiants il faut le dire, du genre Bernard et Bianca ou le livre de la jungle et quelques ovnis comme Los Tres Cabaleros qui lui est carrément psyché...
Donc bon an mal an, je me satisfaisais de ces sorties, et ça me faisait l'occasion d'être avec ma tante que j'aimais beaucoup, c'est d'ailleurs toujours le cas, car elle tient le coup la bougresse !
Mais voilà, un jour, j'avais 8 ans et demi, et elle a eu le tort de me demander mon avis : "que veux tu aller voir comme film ?" Et Bam! On se retrouve le lendemain au balcon de la salle géante du Gaumont avec cet écran d'introduction que je n'oublierai jamais :
"That wich does not kill us makes us stronger" --friedrich nietzsche
Je savais pas qui était Nietzsche, ni Arnold Schwarzenegger, ni John Millius, Ni Oliver Stone mais je sentais bien que ces types ne rigolaient pas...
Il m'a bien fallu 40 minutes pour me détendre mon slip. Bon autant le dire tout de suite, Conan le barbare à 8 ans et demi, c'est mal. Et je me fais bien marrer tout seul à consulter des sites pour savoir si je peux montrer les goonies à mes gosses ou si y a vraiment trop de gros mots... Conan niveau gros mots ça passe, niveau décapitations c'est un peu plus compliqué...
Je connaissais déjà Conan au travers des adaptations en comics. Souvent inégales, elles conservaient ce côté violent mis en avant dans le film. Mais de me retrouver devant l'écran et de voir bouger tout ça... C'était horriblement magique.
Je n'ai pas vraiment su pourquoi j'avais à ce point vécu intensément cet instant. La peur y a été pour beaucoup, et c'est elle qui m'a fait savourer ce film, l'aimer et le mettre bien précieusement dans MES films cultes.
Il faut aussi dire que la création de Robert Howard est surprenante à plus d'un titre : barbare mais cultivé, fin stratège, respectueux des femmes, respectueux de ses adversaires, un sens de l'humour certain, fidèle en amitié, loyal, ennemi farouche des mistiques, gourous et sorciers... Bref, un personnage atypique dans cette Amérique des années 30 qui n'était ni raciste, ni misogyne, ni homophobe (le barbare, pas l'Amérique)... Le barbare n'est finalement pas celui qu'on croit...
Bien qu'il y ait toute une floppée de personnage qui m'aient marqués de façon assez indélébile, le héros, le seul qui a compté pour moi, l'unique, le vrai s'appelle Max Rockatansky, plus connu sous le nom de Mad Max...
Comme je viens d'une famille, et d'une époque, ou les recommandations d'âge n'avaient pas l'importance qu'on leur connait, j'ai rencontré Max en 1983, à l'âge de 10 ans sur le magnétoscope de mon oncle. Le 2, injustement rebaptisé en France "le défi"... Le guerrier de la route original faisait pourtant l'affaire... Même si "Survivor" aurait été plus approprié...
Pourquoi Max ? Pourquoi ce film m'a totalement laissé sur le cul? Pourquoi j'ai pleuré quand son chien a été abattu par des hommes d'Humungus ? Pourquoi j'ai trouvé normal que Max ne reste pas avec la tribu pour devenir leur chef pour aller se dorer sur les plages australiennes et reparte tout seul comme un con dans son désert pourri ?
Il n'y a pas que Max, généralement, tous les marginaux des séries Z et autres nanards (et même parfois de bons films) ont tous exercés sur moi la même fascination.
Leur point commun, que ce soit Conan, Max, the Mariner, John Constantine, Vic... Ce sont tous des survivants. Et entres survivants, on se comprend, on n'est pas obligés de s'aimer, mais on se respecte et on se juge pas.
J'en n'étais pas encore un quand j'ai vu ces films, mais survivre est tout de même une tradition familiale et cet héritage, ou plutôt malédiction, a été la mienne par la suite. J'ai donc revu par la suite tous ces films, de nombreuses fois, des dizaines de fois, avec toujours les mêmes émotions et la même empathie pour tous ces personnages de survivants, mutilés, blessés, marqués au fer, taciturnes, solitaires et parfois même de vrais connards... Pas de la pitié, c'est inutile, un survivant te crachera à la gueule au centuple ta pitié et il aura bien raison. Je n'avais pas grand chose à leur envier à part des muscles, une épée à deux mains ou un V8 carburant au nitrométhane...
Et en tant que survivant, t'es invincible parce que t'es totalement insensible au monde qui t'entoure, et le monde qui t'entoure n'a pas de prise sur toi.
C'est généralement quand quelque chose, quelqu'un, brise cette forteresse, ou l'érafle simplement de la façon qu'il faut, que le réalisateur déboule pour filmer ta rédemption, ton retour à la vie...
Mais pas pour Max.
Et c'est en ce sens qu'il est admirable. Dans tous les films qui lui son consacrés, Max s'en va, il ne reste pas. Il n'est qu'un survivant et n'a pas d'autre but que de retarder l'instant de sa mort à tout prix. Il se laisse émouvoir, toucher, voire distraire mais il sait que tout ça c'est pas pour lui... Son indifférence est son armure, sa solitude sa monture et il fonce droit, stoïque vers le cœur de la tempête.
Comme tous les survivants, il cherche à ressentir à nouveau, mais sa quête est vaine car il puise ses émotions dans les fantômes d'un passé qui ne reviendra jamais... Alors il fonce...
Merci Max, bonne route...
Ia, Ia Cthulhu fhtagn! Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn!