Un sondage réjouit les uns et devrait motiver les uns et les autres. Le Oui à la fusion est à 75%, 3 sondés sur 4, mais...
- ce n’est là que le produit d’un sondage (CSA du 25/2 au 1/3 pour les DNA, L’Alsace et Radio Bleue) ;
- il reste encore un mois de campagne qui s’intensifiera vigoureusement à partir du 25 mars où elle sera officielle ;
- surtout, une forme de quorum est exigée : 25% des inscrits devront s’exprimer dans chacun des deux départements. Au pire donc, pour simplifier, 13% des inscrits peuvent suffire à l’emporter au cas où l’exigence des 25% de suffrages exprimés ne serait pas dépassée mais atteinte. En dessous, c’est non.
- le Parlement devrait alors examiner une loi spécifique qui créerait la nouvelle Collectivité Territoriale, en s’inspirant plus ou moins des travaux préalables des élus alsaciens ou en les amendant si nécessaire. Vote de la loi, fin 1013 ou début 2014.
- enfin les élections territoriales devraient avoir lieu en mars 2015.
Si le « Oui » semble aujourd’hui en situation très favorable, les « nonistes » n’ont pas dit leur dernier mot d’où la tentation de faire ici un état des lieux contextuel et forcément partiel.
En premier lieu, le sondage estime l’intention de participer à environ 47%. Pas énorme mais suffisant.
La droite élargie porteuse du projet

Agrandissement : Illustration 1

On sait que le président de Région a commencé depuis très longtemps, d’abord à « chiader » cette ambitieuse idée comme un étudiant scrupuleux avant même de commencer à la vivre comme élu d’un canton de La Petite-Pierre, charmant mais assez rude du nord-ouest du « petit-pays », cette étroite bande de 200 km du Nord au sud, bordée par les Vosges et le Rhin mais densément peuplée. (cf carte des Villes)
Puis c’est le « cursus honorum », façon Rome antique, c’est à dire le cours des honneurs ou des charges électives, d’étape en étape jusqu’au ministère des « collectivités locales ». Philippe Richert, de retour à la Région, connaît son sujet sur le bout des doigts. Personne n’en doute pas plus que de sa sincérité, en toute bonne foi. Là n’est pas la source du non.
Alors naturellement, il a l’appui de son parti, l’UMP (où il est un ancien UDF), l’UDI avec un poids lourd, l’ancien ministre François Loos, les divers droite et même quelques éléments de ce qui reste du Modem, en perpétuelle restauration.
S’ajoutent à eux les écologistes de EELV quasi unanimes au grand dam du PS.
Une croix cependant sur le Front National d’abord favorable localement mais dont les leaders, obéissant à leurs supérieurs, comme il s’y doit, ont pris leurs distances sans que leurs électeurs en fassent automatiquement autant. Cet agrégat constitue pour le moment cette somme des 75% de OUI, épaulé par de nombreuses associations ( voir plus loin).
Toutefois cette adhésion très large et des démonstrations de force dans des manifestations publiques, indisposent parfois un électorat, acquis au principe de la fusion, mais qui tient fermement à ce que sa voix ne soit pas interprétée comme une adhésion aux partis officiels du Oui, surtout à l’UMP, ici ou là un tant soit peu suffisante voire arrogante.
Pour l’heure, cet avantage n’est donc pas sûrement consolidé à moins que les « nonistes » n’y apportent leur concours involontaire par leurs dissensions et ne sachent pas mobiliser les abstentionnistes.
Les gauches hésitent mais disent non.
Au PS c’est, en plagiant Clemenceau, le « discordat » en pays concordataire.
La fédération du sud (Haut-Rhin) dit oui, sa sœur du nord (Bas-Rhin) dit non.
Les villes sont partagées, les campagnes sont plutôt pour le oui.
A Strasbourg, c’est le flou même au sein des socialistes du Conseil Municipal, pourtant confortablement élu avec les Verts.
Au sommet le sénateur-maire Roland Ries, le 1° adjoint Robert Herrmann, le jeune adjoint aux finances Alain Fontanel et d’autres sont, du bout des lèvres, favorables au principe mais pas à son articulation « en l’état », en raison des localisations des sièges : la nouvelle assemblée à Strasbourg et l’exécutif à Colmar, actuellement préfecture. De plus, en dehors des questions de prestige, il s’agit du rôle moteur des villes ou agglomérations dans le développement régional. Ces élus là n’ont même pas rejoint le collectif « Pour un autre oui » comme Chantal Augé ex adjointe démise, Sandrine Bélier eurodéputée ou encore Antoine Waechter et bien d’autres.
Plus acérés sont les coups de griffes de certains adjoints comme Pernelle Richardot qui s’en prend directement au président Richert et parle « d’empilement et non de fusion » ; plus modérée et argumentée la position de Matthieu Cahen ; plus pugnace encore l’adjoint et suppléant du député Jung, Eric Elkouby dont les propos sont parfois jugés excessifs et blessants même dans son propre camp.
Un peu décevant tout çà ! Les électeurs attendent des clarifications « techniques » dans lesquelles s’opposeraient un collectif du non à son pendant du oui. Une présentation pédagogique en deux colonnes. Cela paraît difficile à réaliser ? tant que çà ? Cela dissiperait peut-être les arrières pensées politiciennes ou les révèleraient au grand jour.
Et le quidam dans cet embrouillamini ?
Et la société « civile » plutôt favorable.
Pour la fine bouche cette potion plutôt amère mais révélatrice des positions des syndicats en général sinon rétifs et au moins inquiets( CFDT) et surtout opposés.
Voici le lien d’un long article franchement noniste de M. Jean-Louis Dolfus, membre CGT du CESA de 2001 à 2006, article pro domo certes mais avec un autre angle de vue :
http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-louis-dolfus/170213/non-lautonomie-institutionnelle-de-lalsace
D’autres prises de position nombreuses sont totalement favorables allant de « Culture et Bilinguisme » à « La Ligue d’Alsace de football ».
De son côté, le proviseur du prestigieux Lycée Kléber, M. Wach sans doute sollicité, déclare que « pour les établissements scolaires, la création d’une collectivité unique est intéressante ». Il évoque la gestion bicéphale au quotidien d’une cité scolaire qui regroupe lycée et collège. Il ne s’agit pas des fonctions éducatives bien sûr, encore qu’on puisse y songer.
Les milieux économiques se sentent également directement concernés
Ainsi, avec un temps d’avance, les chambres d’agriculture des deux départements sont en phase finale de fusion en chambre d’agriculture régionale.
Le président de la SOCOMEC (3OOO emplois dans le Monde dont 1200 en Alsace où se trouve le siège) affirme sans ambâge que « cette réforme, gage d’efficacité économique et de procédures simplifiées, le monde économique l’attendait depuis longtemps »
Alors : « enfin le référendum vint » ? Philippe Richert est hardiment suspecté de vouloir se créer une baronnie comme au temps de Malherbe !
Mais laissons provisoirement le dernier mot un peu ambiguë au géographe politologue Richard Kleinschmager, non réputé de droite : « L’ Alsace a de multiples atouts pour le développement de ses territoires…Sur le plan économique, culturel et politique, la ville est une locomotive qui tire l’ensemble du train… Un siège à Strasbourg et des activités partagées à Colmar et Mulhouse pour faciliter l’accès de tous à l’information et aux services publics : la Collectivité Territoriale d’ Alsace devra refléter l’équilibre du territoire alsacien »
Lorsqu’il écrit cela, le professeur ne sait pas encore que le statut d’Eurométropole pour Strasbourg est officiellement confirmé. Cela devrait changer les approches. Nous y reviendrons.
Antoine Spohr