Billet de blog 18 février 2013

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a.spohr

Professeur honoraire ( secondaire, supérieur, universités US; ancien journaliste de PQR.. Correspondant de presse

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Alsace en fusion: une longue bataille est engagée

Grand branle-bas dans la presse quotidienne régionale, et plus bruyant encore sur le Net (journaux et réactions). Exceptionnel dans une Alsace souvent plus passive ! Le 7 avril, les Alsaciens décideront par référendum de poursuivre ou non le projet de fusion des deux départements alsaciens en une seule collectivité.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Grand branle-bas dans la presse quotidienne régionale, et plus bruyant encore sur le Net (journaux et réactions). Exceptionnel dans une Alsace souvent plus passive ! Le 7 avril, les Alsaciens décideront par référendum de poursuivre ou non le projet de fusion des deux départements alsaciens en une seule collectivité. Du coup, On s’exprime haut et fort, du moins dans le landernau politique. Le plus souvent chacun de son côté, par voie de presse, ou alors on s’écrit sans trop attendre de réponse (lire l'article remarquablement synthétique de Christian Bach dans les DNA).

Illustration 1
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On n’en n’est plus à fourbir les armes. Ici, elles sont dégainées, clairement tirées du côté droit.


Là, en les extrayant du côté gauche, on ferraille durement, tout en faisant encore des mystères, avec intransigeance, par indécision ou par « intuition » stratégique. Il est vrai qu’il faudrait compter les ambidextres, terme qui rendrait ipso facto inutile cet amusant néologisme que serait «ambi-sinistres», qui conviendrait mieux à la Gauche, dans ce cas. En tout cas, pas de noms d’oiseau, cela n’arrive quasiment jamais en Alsace même dans d’âpres combats.

Et Paris s’invite en la personne du président de la République lui-même, svp, au Parlement européen, avant un sommet à Bruxelles à quelques encablures.

Neutre sur le sujet brûlant de la fusion des deux départements, François Hollande s’est fait aussi dispensateur de grâces par la promesse d’ériger en Eurométropole la capitale européenne et de l’Alsace, siège du Forum Mondial de la Démocratie, de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et encore et encore. Cumularde ? Tant mieux ?

Alors pourquoi toute cette fébrile agitation? On sait pourtant qu’il reste plus d’un an avant les municipales, mais voilà qu’à un horizon beaucoup plus proche, accompagné des giboulées de mars, se profile cette joute préliminaire qui méritera d’être suivie par la France entière.

 Eh oui, pour la première fois en France, un referendum, le 7 avril 2013, décidera de poursuivre ou non le projet de fusion des deux départements alsaciens en une seule collectivité.

Intéressés, les gens écoutent, lisent, supputent, croient savoir, participent avec plus ou moins de bonne foi aux rumeurs, les relayent. Au comptoir comme dans des plus nobles assemblées, régionales, locales, associatives, on spécule, on s’observe et parfois on se titille mais les sondages sont favorables, très favorables au Oui. Pour le moment... c’est encore « Oui, il faut le faire ce referendum ! »

Les adhésions au projet, « en l’état » en tout cas, ne sont pas partagées unanimement par les politiques.

Arguments parfois surréalistes comme la traditionnelle accusation d’amalgame, de déni d’Histoire, de conflit d’intérêt collectif, d’instrumentalisation à des fins politiques électoralistes, des egos surdimensionnés …et on va comme çà, propos tenant, jusqu’à parler du retour de l’ « autonomisme ». 

Cette accusation là est récusée avec violence quasi-unanimement car très sensible et provocatrice, émanant d’une méconnaissance coupable de l’Histoire de l’Alsace. Achtung, attention ! On est solidement arrimé à la République. Certes on est bilingue souvent, en CTA ( Collectivité Territoriale d’Alsace) ou sous l’administration du CUA ( Conseil Unique d’Alsace). Enfin, si cela se réalise grâce aux électeurs !

Illustration 2
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Normands, si vouliez que « J’aime à revoir ma Normandie » se chante sans distinction d’altitude, prenez garde dans vos formulations, à vos choix prédominants, si il vous venait l’idée d’une fusion ou plutôt de retour au statu quo ante ! Et d’autres avec vous ! 

Une première dans le pays

Pour un « Français de l’Intérieur », ainsi qualifiait-on encore, il n’y a pas si longtemps, ceux que la France, vaincue en 1870, pouvait garder en son sein, en laissant l’Alsace et Moselle sur le bord de la République, comme  pour les Allemands, les vainqueurs cette fois-là, ou les Suisses ou encore les Luxembourgeois, l’Alsace est « Une », depuis bien plus longtemps, avec tout ce qu’elle représente, même de caricatural. Pas de Bas-Rhin 67 ni de Haut-Rhin 68. On s’amuse parfois  à « rechiffrer » l’ensemble  en 67,5, soit (67+68)/2. Un problème de plaques d’immatriculation, en plus ?

En outre, l’adjonction de la Lorraine dans la  formule « Alsace –Lorraine » est souvent corrigée aujourd’hui par une nouvelle appellation, à la vérité plus juste, celle d’Alsace-Moselle, en raison d’un long épisode partagé d’une partie surtout tragique de l’Histoire et de quelques résultantes spécifiques.

Pour autant l’Alsace n’annexera pas la Moselle ! Ni l’inverse. Le Grand-Est est encore loin.

Une éventuelle entité régionale de 1,9 millions d’habitants sur 1,5 % du territoire national avec ses 8280 km2, suffit dans un premier temps, ce qui n’est d’ailleurs pas acquis.

Les conditions ou dispositions du scrutin sont en effet sérieuses. Pour l’emporter, le choix gagnant doit avoir recueilli la majorité évidemment et au moins 25% des inscrits. Cela donne du sens, il faut l’admettre. Une raison de plus pour que expérience, peut-être une première nationale, mérite toute l’attention du pays particulièrement dans les collectivités qui aspirent à des regroupements administratifs. Qu’on sache aussi que, quelles que soient ensuite les dispositions adoptées, l’Etat aura le dernier mot dans le prochain volet de la loi de décentralisation.( Acte III)

En Alsace le projet est ancien, mais il est porté par le président de Région, l’ancien ministre des collectivités territoriales et précédemment questeur au sénat  en charge de ces questions, Philippe Richert, solidement épaulé par les présidents des deux conseils généraux concernés. On sait aussi qu’il y a travaillé avec un acharnement et une foi qui forcent l’admiration. Comme un thésard scrupuleux qui ne comprend pas les arrière-pensées qu’on lui prête…

« Oui » à droite et au centre, « Non » ou « Oui, si… », ou abstention à gauche

On a voté dans les trois collectivités territoriales en place à une très forte majorité pour affirmer encore la volonté d’aller vers une collectivité unique et pour les modalités pratiques. Résultats du Congrès, certains se plaisent même à parler de Parlement d’Alsace, le  24 novembre 2012 : «  Les 122 élus ont été invités à voter sur la résolution à 14h30 : on comptait 108 "oui", 5 "contre" et neuf abstentions. Philippe Richert obtient une majorité plus large qu'en décembre dernier, lors du précédent congrès qui s'était tenu à Colmar. 101 élus avaient alors approuvé la résolution ». (DNA du 25/11/12)  

 Un franc succès donc que vient de confirmer, vendredi 15 février, une réunion de la « Majorité Alsacienne » - slogans et acronymes de circonstance fleurissent de toute part - où figurent toutes les personnalités les plus connues  UMP-UDI et Centristes et parmi elles, l’ancien ministre François Loos, reconnu comme brillantissime mais, pour le moment encore en recherche de popularité à Strasbourg où il jouera un rôle de tout premier plan dans les élections municipales. ( Nous  y reviendrons en temps utile).

 Et c’est là, à Strasbourg, que le bât blesse : la municipalité se veut la capitale du « non » au projet, un non catégorique pour une jeune équipe plus citadine, un « non en l’état » pour le maire, élu avec une confortable majorité en 2008 et sa garde rapprochée car c’est précisément la répartition des futurs lieux de pouvoir qui fait casus belli. Le maire, Roland Ries, est aussi sénateur et, comme le flou demeure quant à la suppression des cumuls des mandats, il doit ménager cet électorat particulier qui nécessite un ancrage plus vaste que la ville. Mais c’est un modéré.

Plus prudents, d’autres s’abstiennent alors que des écologistes et même le FN sont pour le « Oui, à  certaines conditions » comme des avantages que leur confèrerait un scrutin entièrement proportionnel.

Vaste projet qui suscite biens des interrogations, des enthousiasmes et des déceptions, beaucoup de scepticisme encore. En donnant la parole sur des sujets choisis par eux-mêmes à des contributeurs de toute opinion, à condition qu’ils respectent la charte, nous pourrons développer les points dans lesquels ils ont quelque compétence. (Droit local, sociologie et démographie comparative, histoire, langues, religions, culture, regards extérieurs des voisins, les incidences transfrontalières, spécificités…) Contactez le rédacteur en chef de l’édition, non pour le fond, plutôt pour la forme et surtout pour éviter des doublons trop rapprochés.

Antoine Spohr

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