Billet de blog 3 juillet 2012

Maxence Defontaine

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Interview de Geneviève Azam, économiste et membre du conseil scientifique d'ATTAC France

Un entretien avec Geneviève Azam, maître de conférence en économie et chercheuse à l'université de Toulouse II- D’où vient votre engagement militant ?Mon engagement militant est ancien, dans le sillage des années 1970. Par choix politique, j'ai toujours milité dans le milieu associatif, avec une seule expérience d'organisation politique dans une organisation libertaire.

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Un entretien avec Geneviève Azam, maître de conférence en économie et chercheuse à l'université de Toulouse II
- D’où vient votre engagement militant ?

Mon engagement militant est ancien, dans le sillage des années 1970. Par choix politique, j'ai toujours milité dans le milieu associatif, avec une seule expérience d'organisation politique dans une organisation libertaire. Les moments clés sont marqués par les suites de la guerre d'Algérie et la guerre du Vietnam, mai 1968, la lutte du Larzac, le droit des femmes à l'avortement et à la contraception, le soutien aux luttes démocratiques dans les pays de l'Est européen, l'engagement contre le nucléaire (Malville). Sur un plan professionnel, j'ai été militante à ce moment là au SGEN-CFDT, où je retrouvais des courants autogestionnaires et écologistes. J'ai quitté ce syndicat au moment de son recentrage au début des années 1980.  Plus récemment, mon engagement militant est centré sur Attac, où j'ai trouvé une possibilité de lier mon engagement militant et mon engagement plus professionnel : le refus d'un monde gouverné par la loi économique (je suis économiste), la lutte contre l'économicisme, la transmission par le biais de l'éducation populaire. Engagée pour Attac dans les questions climatiques et Rio+20, c'est finalement la question des droits qui m'importe,  pour une redéfinition des droits concrets, pour  l'articulation entre les expériences particulières et l'universalité (et la diversité) de la condition humaine, pour des nouveaux droits (droits de la Terre). 

Enfin je n'ai jamais, je pense et j'espère, séparé l'engagement concret et les expériences et exigences de pensée. 

- Que souhaitez-vous pouvoir transmettre aux personnes présentes à l’université d’été ?

jJe dois intervenir sur les nouveaux modèles de développement. Je voudrais transmettre qu'on ne peut penser, à l'échelle globale, les nouveaux modèles de société qu'en interrogeant la notion même de développement. Pourquoi réduire les modèles de société à des modèles de développement ? De nombreux mouvements sociaux dans le monde, par leur pratique, et aussi parfois par leur théorisation, interrogent cette notion, voire la rejettent. Nous pays "développés" (si on parle en terme de développement) ne sommes pas (ou plus) le modèle, même s'il y a du mimétisme. Ces nouveaux mondes que nous voulons sont déjà là, ce n'est pas pour les générations futures : comment les faire grandir, les reconnaître, leur donner un sens commun au delà de leur fragmentation ? De quel nouveau récit (et sous quelle forme) avons-nous besoin ? Comment faire de la convergence des crises une chance pour une grande bifurcation ? Enfin, connaissant les difficultés immenses auxquelles nous nous affrontons, connaissant les défis nouveaux pour lesquels nous n'avons que des ébauches de réponse, je pense en particulier à l'irréversibilité de certains dérèglements écologiques, comment résister en construire, comment refuser le fatalisme ? 

- Qu’attendez-vous de cet évènement ?

J'attends le partage d'expériences, la confrontation d'idées, la consolidation de nos réseaux, le renouvellement toujours nécessaire du désir de penser et de changer ce monde. J'attends aussi une réflexion pour lier les mouvements de solidarité internationale et ceux plus spécifiquement dédiés à la lutte pour la justice écologique.

- Comment réinventeriez-vous le monde?

Je n'ai pas de programme clé en main ! Je souhaite un monde qui puisse être commun, fait de plusieurs mondes. Et ces mondes ne pourront être réinventés que par des sursauts démocratiques, du local au global. Ces mondes nous les réinventons dès aujourd'hui : que seraient les sociétés s'il n'y avait pas toutes ces résistances et expériences, ces expressions d'un besoin de justice, d'une dignité humaine et d'une liberté irréductibles ? Mais ce n'est pas suffisant, c'est pourquoi, nous avons à peser sur tout ce qui pourrait engager, dès maintenant, une transition écologique et sociale qui ne soit pas un simple aménagement provisoire mais une brèche, une ouverture pour ces autres mondes. Les chemins sont divers, du local au global, de l'individuel au collectif, chemins d'action, d'expériences, de résistances et chemins de pensées nouvelles.

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