Billet de blog 15 mars 2008

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L'hommage au dernier poilu : une cérémonie de tradition ?

L’hommage national au dernier poilu n’était pas gagné. Les deux derniers survivants, Louis de Cazenave et Lazare Ponticelli, avaient en effet dédaigné cet honneur au nom de tous leurs camarades qui n’en avait pas, selon eux, bénéficié.

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L’hommage national au dernier poilu n’était pas gagné. Les deux derniers survivants, Louis de Cazenave et Lazare Ponticelli, avaient en effet dédaigné cet honneur au nom de tous leurs camarades qui n’en avait pas, selon eux, bénéficié. Et puis, Lazare s’est laissé convaincre : sans doute l’âge rend-t-il plus fragile l’expression des positions. D’autant moins gagné lorsque le dernier poilu français est un italien qui fit la guerre, pour une part, dans l’armée italienne...
A ce jour un double cérémonial est prévu.
Le premier topographiquement centré se déroulera lundi aux Invalides avec les rites suivants :
- Messe dans l’Eglise
- Honneurs militaires
- Pose d’une plaque pour l’ensemble des combattants sous le Dôme des Invalides
- Discours du président de la République.
Le polygraphe Max Gallo, historien de « l’âme de la France » selon l’un de ses derniers titres, devenu raconteur officiel du grand récit national, doit prendre la parole.
Le second est diffus et doit comprendre les rites suivants :
« - les drapeaux seront mis en berne sur les édifices publics,
- une minute de silence sera observée dans les administrations, édifices publics, et les collectivités territoriales, les maires devront faire sonner le glas des églises ou déclencher les sirènes du réseau national d'alerte,
- les maires seront invités à organiser des rassemblements devant les monuments aux morts selon les modalités qui leur paraîtront appropriées ». Le Ministre de l’Education Nationale demande aux enseignants d’évoquer la figure de Lazare Ponticelli et, dans les classes où 1914-1918 est au programme, d’insister sur le « sacrifice » et la souffrance des combattants.
Ce qui frappe d’emblée, c’est l’extrême classicisme de ce rituel. Il y a là la reprise d’une symbolique militaire ordinaire et de toutes les cérémonies déjà mises en place dans l’entre-deux-guerres. Le lieu central lui-même inscrit cet hommage dans la tradition militaire française, il l’inscrit, en quelque sorte, dans le grand récit national. Il convient d’ajouter que les Invalides sont déjà un lieu de mémoire très important de la Grande Guerre, outre le musée, le taxi de la Marne et les chars, plusieurs galeries, notamment dans la cour centrale sont ornées de plaques (régimentaires notamment) d’hommage aux combattants de 14/18. D’ores et déjà, les rites prévus dans de nombreuses communes retrouvent la tradition combattante de la gerbe au monument aux morts. Le Bicentenaire de la Révolution française en 1989 – il y vingt ans - avait pourtant montré que commémoration n’est pas toujours répétition de la tradition... Quant au discours du Président, il aura à marquer le « nouveau Sarkozy » qu’annoncent les communicants, moins Bling-Bling et plus « recentré » : le dernier poilu n’est-il pas une figure idéale pour ce faire ?
Pour prolonger :
Sites ressources :
www.crid1418.org
http://dersdesders.free.fr
• N. Offenstadt, « Le pays a un héros : le dernier poilu », L’histoire, 320, mai 2007
• Id., « Le dernier poilu, une nouvelle icône ? », http://www.crid1418.org/actualites/dernier_poilu.html
• id., « Les derniers poilus : héros nationaux », Le Monde diplomatique, à paraître, n°649, avril 2008.

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