Billet de blog 20 mars 2008
Le sabre et le goupillon : le 17 mars 2008 aux Invalides
Le sabre et le goupillon : le 17 mars 2008 aux Invalides La cérémonie du 17 mars en hommage à Lazare Ponticelli, dernier poilu de France, a pris une forme topographiquement centrée, aux Invalides et donné lieu à un rituel diffus sur tout le territoire national (minute de silence et drapeaux en berne dans les administrations, hommage aux monuments aux morts, évocation dans l’enseignement...).
Le sabre et le goupillon : le 17 mars 2008 aux Invalides
La cérémonie du 17 mars en hommage à Lazare Ponticelli, dernier poilu de France, a pris une forme topographiquement centrée, aux Invalides et donné lieu à un rituel diffus sur tout le territoire national (minute de silence et drapeaux en berne dans les administrations, hommage aux monuments aux morts, évocation dans l’enseignement...). La première fut en deux temps : messe et honneurs militaires le matin, dévoilement d’une plaque dans l’Eglise du Dôme l’après-midi. L’ensemble fut très militarisé : cercueil porté par des légionnaires en uniforme, hommage militaire dans une cour d’honneur bordée de troupes diverses, puis, l’après-midi, défilé de détachements des différentes armes après le dévoilement, par le Président de la République, de la plaque dédiée au souvenir des combattants dans l’Eglise du Dôme.
Tout cela est très loin des mentalités combattantes de l’entre-deux-guerres qui, comme l’a montré Antoine Prost, ont largement mis à distance l’armée, dont les Anciens combattants rejetaient l’autoritarisme. On en oublierait presque que les soldats de la Grande Guerre en France étaient d’abord des conscrits revenus plutôt pacifistes des tranchées...
Aucune tentative ce 17 mars d’actualiser ou de moderniser le souvenir mais une somme de rituels traditionnels qui remontent aux années vingt ou à des époques précédentes. Le patriotisme le plus conventionnel colore l’ensemble de la cérémonie avec des Marseillaise à répétition (j’en ai compté 5 dans la journée !), des discours qui soulignent la grandeur du sacrifice patriotique (le gouverneur militaire de Paris évoque lui la « grandeur du service des armes », rappelant que « la vie est un combat »...)
On a beaucoup cherché, ce 17 mars, à justifier la pompe du cérémonial qui contrastait sans doute trop évidemment avec les réticences de Lazare Ponticelli. Sur France 2, Philippe Harrouard qui commente la cérémonie du matin, insiste bien : c’est une « messe toute simple » (il le dit deux fois) – certes, mais quid du lieu, de la présence de tout le gouvernement, de deux Présidents de la République, et de tant d’étendards ? -, l’évêque du diocèse des armées lui a cette jolie formule justificative : « le sage qui a traversé l’épreuve ne s’appartient plus tout à fait », quant à Max Gallo, il rappelle dès le début de son intervention les réticences de Ponticelli.
Le discours de Nicolas Sarkozy, plutôt sobre, clôt le rituel. Dans ses propos, deux remarques méritent d’être soulignées. La première tient à la mise en parallèle des poilus et des maquisards des Glières auquel il rend hommage le lendemain 18 mars (voir dans cette édition la contribution à ce sujet de Samuel Kuhn) où l’on retrouve toujours ce souci de rebâtir un grand récit national sous le mode du zapping d’un événement l’autre. De plus, il est dit des poilus et des résistants qu’ils avaient en commun de préférer mourir libre que vivre en esclave. Cette thématique de la liberté était aussi présente dans l’acrostiche d’un élève de 5e lu dans l’Eglise Saint-Louis en hommage à Ponticelli, l comme libre : « Grâce à tous les poilus (...) nous vivons dans un pays libre ». On a presque l’impression d’une reprise du discours de l’Union sacrée pendant la Grande Guerre : le droit et la liberté du côté français, la barbarie et l’illégalisme du côté allemand (thème prenant appui notamment sur la violation de la neutralité de la Belgique par les troupes allemandes en 1914). Chacun appréciera cette mise en parallèle, par la négative, de l’Allemagne de 14/18 d’un côté, et de Vichy et des Nazis (alliés dans l’assaut donné aux Glières), de l’autre. Faut-il rappeler que, du côté allemand, en 14-18, on avait aussi l’impression de mener un combat vital, pour éviter l’encerclement ? Pourtant le discours de Nicolas Sarkozy avait commencé par la mise en vis-à-vis des premiers morts de la guerre, un allemand et un français. Ce manque de mise en perspective final, qui plus est à l’heure d’une construction européenne centrée sur le couple franco-allemand ne laisse pas d’étonner.
Nicolas Offenstadt
Pour prolonger :
De Cock, Laurence et alli, Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France. Dictionnaire critique, Agone, 2008, à paraître et notamment la notice Glières par Jean-Marie Guillon.
Offenstadt, Nicolas, « Les derniers poilus, héros nationaux », Le Monde diplomatique, 649, avril 2008.
Prost, Antoine, Les anciens combattants, 1914-1940, Paris, Gallimard-Julliard, 1977, 247 p.
Prost, Antoine, Les Anciens Combattants et la Société Française, 1914-1939, Paris, Presses de la FNSP, 1977, 3 volumes.
La cérémonie du 17 mars en hommage à Lazare Ponticelli, dernier poilu de France, a pris une forme topographiquement centrée, aux Invalides et donné lieu à un rituel diffus sur tout le territoire national (minute de silence et drapeaux en berne dans les administrations, hommage aux monuments aux morts, évocation dans l’enseignement...). La première fut en deux temps : messe et honneurs militaires le matin, dévoilement d’une plaque dans l’Eglise du Dôme l’après-midi. L’ensemble fut très militarisé : cercueil porté par des légionnaires en uniforme, hommage militaire dans une cour d’honneur bordée de troupes diverses, puis, l’après-midi, défilé de détachements des différentes armes après le dévoilement, par le Président de la République, de la plaque dédiée au souvenir des combattants dans l’Eglise du Dôme.
Tout cela est très loin des mentalités combattantes de l’entre-deux-guerres qui, comme l’a montré Antoine Prost, ont largement mis à distance l’armée, dont les Anciens combattants rejetaient l’autoritarisme. On en oublierait presque que les soldats de la Grande Guerre en France étaient d’abord des conscrits revenus plutôt pacifistes des tranchées...
Aucune tentative ce 17 mars d’actualiser ou de moderniser le souvenir mais une somme de rituels traditionnels qui remontent aux années vingt ou à des époques précédentes. Le patriotisme le plus conventionnel colore l’ensemble de la cérémonie avec des Marseillaise à répétition (j’en ai compté 5 dans la journée !), des discours qui soulignent la grandeur du sacrifice patriotique (le gouverneur militaire de Paris évoque lui la « grandeur du service des armes », rappelant que « la vie est un combat »...)
On a beaucoup cherché, ce 17 mars, à justifier la pompe du cérémonial qui contrastait sans doute trop évidemment avec les réticences de Lazare Ponticelli. Sur France 2, Philippe Harrouard qui commente la cérémonie du matin, insiste bien : c’est une « messe toute simple » (il le dit deux fois) – certes, mais quid du lieu, de la présence de tout le gouvernement, de deux Présidents de la République, et de tant d’étendards ? -, l’évêque du diocèse des armées lui a cette jolie formule justificative : « le sage qui a traversé l’épreuve ne s’appartient plus tout à fait », quant à Max Gallo, il rappelle dès le début de son intervention les réticences de Ponticelli.
Le discours de Nicolas Sarkozy, plutôt sobre, clôt le rituel. Dans ses propos, deux remarques méritent d’être soulignées. La première tient à la mise en parallèle des poilus et des maquisards des Glières auquel il rend hommage le lendemain 18 mars (voir dans cette édition la contribution à ce sujet de Samuel Kuhn) où l’on retrouve toujours ce souci de rebâtir un grand récit national sous le mode du zapping d’un événement l’autre. De plus, il est dit des poilus et des résistants qu’ils avaient en commun de préférer mourir libre que vivre en esclave. Cette thématique de la liberté était aussi présente dans l’acrostiche d’un élève de 5e lu dans l’Eglise Saint-Louis en hommage à Ponticelli, l comme libre : « Grâce à tous les poilus (...) nous vivons dans un pays libre ». On a presque l’impression d’une reprise du discours de l’Union sacrée pendant la Grande Guerre : le droit et la liberté du côté français, la barbarie et l’illégalisme du côté allemand (thème prenant appui notamment sur la violation de la neutralité de la Belgique par les troupes allemandes en 1914). Chacun appréciera cette mise en parallèle, par la négative, de l’Allemagne de 14/18 d’un côté, et de Vichy et des Nazis (alliés dans l’assaut donné aux Glières), de l’autre. Faut-il rappeler que, du côté allemand, en 14-18, on avait aussi l’impression de mener un combat vital, pour éviter l’encerclement ? Pourtant le discours de Nicolas Sarkozy avait commencé par la mise en vis-à-vis des premiers morts de la guerre, un allemand et un français. Ce manque de mise en perspective final, qui plus est à l’heure d’une construction européenne centrée sur le couple franco-allemand ne laisse pas d’étonner.
Nicolas Offenstadt
Pour prolonger :
De Cock, Laurence et alli, Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France. Dictionnaire critique, Agone, 2008, à paraître et notamment la notice Glières par Jean-Marie Guillon.
Offenstadt, Nicolas, « Les derniers poilus, héros nationaux », Le Monde diplomatique, 649, avril 2008.
Prost, Antoine, Les anciens combattants, 1914-1940, Paris, Gallimard-Julliard, 1977, 247 p.
Prost, Antoine, Les Anciens Combattants et la Société Française, 1914-1939, Paris, Presses de la FNSP, 1977, 3 volumes.
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