Billet de blog 31 mai 2008

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Des symboles du franquisme qui résistent

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Enjeux de mémoire en Espagne :des symboles du franquisme qui résistent Mari Carmen RodriguezLa propriété familiale de Franco, payée par les Espagnols durant la guerre civile, est aujourd’hui au cœur d’un bras de fer sur son usage privé ou public. Ce cas révèle une fois de plus les rapports conflictuels de la société espagnole avec son passé traumatique, en prise avec les fantômes persistants du franquisme.Dans la municipalité de Sada (Galice), s’élèvent un imposant palais (Pazo de Meirás) et ses jardins, couvrant près de 66.800 mètres carrés. Cette imposante propriété, construite au XIXe siècle, sur commande de la comtesse et écrivain Emilia Pardo Bazán, est aujourd’hui au centre des difficultés que soulève l’application de la loi mémorielle approuvée le 31 octobre 2007, par le parlement espagnol.

En effet, cette « Loi de récupération de la mémoire historique », proposée par le gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero pour réparer les préjudices subis par les victimes de la guerre civile et la dictature, prévoit une réécriture des usages publics des monuments du franquisme dans la perspective d’une mémoire collective critique.

Le Pazo de Meirás entre dans cette nouvelle interprétation des lieux de mémoire du franquisme. Le palais et ses jardins, offerts à Francisco Franco par la Galice durant la guerre civile (Franco était originaire de la région) sont restés propriété privée de la famille du dictateur durant de nombreuses années. Or, en 1991, la résidence est devenue un bien public inscrit au Patrimoine Culturel de la Communauté autonome. Pourtant, les héritiers de Franco, sous l’égide de sa petite-fille Carmen, se sont opposés jusqu’à ce jour à toutes les visites d’inspections des représentants du ministère de culture. L’intérêt public du « monument » est entré en concurrence avec les intérêts privés de la famille Franco. Ayant profité du rôle public du dictateur pour s’approprier ce patrimoine culturel, elle veut à présent faire de son histoire une affaire privée.

La réélection de Zapatero à la présidence du gouvernement a confirmé la nécessité de la révision de la mémoire du franquisme et une nouvelle opportunité a ainsi été offerte aux défenseurs de l’usage public de la propriété. Le Tribunal Supérieur de Justice de Galice a autorisé l’inspection des lieux par l’administration culturelle, dans le courant du mois[1]. Le Tribunal a également accepté, contre la volonté des héritiers du dictateur, qu’un reportage photographique de l’intérieur du palais soit réalisé. En outre, la famille Franco devra ouvrir les lieux au public 4 jours par mois au minimum.

Le travail de mémoire est encore rude en Espagne, plus de trente ans après la mort du dictateur. La « transition démocratique » qui a été menée dès 1975, au prix du renoncement au procès des crimes franquistes, porte aujourd’hui encore les séquelles d’une absence de réparation par les instances de justice. Les réactions à un processus qui n’en est qu’à ses premiers pas sont encore vives.

(référence image annexée: Propriété familiale de Franco, Galice, (Pazo de Meirás), in Journal EL PAÍS, Madrid, édition du 19.03.2008).


[1] Paola Obelleiro, A Coruña, EL PAÍS, 19.03.2008.

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