« Une autoroute en zone inondable qui va traverser un site Natura 2000, réserve de biosphère de l'UNESCO et zone humide d’importance internationale – la Camargue. » commente l'avocat Sebastien Mabile sur son profil Twitter.

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Ici, on parle d'un tronçon autoroutier en tracé neuf en 2x2 voies d’environ 13 km au sud d’ARLES, de l’A54 à l’ouest jusqu’à la RN 113 au lieu-dit « Balarin » à l’est d’Arles. L'Autorité environnementale vient de rendre un avis avec réserves et les élus locaux se disent non inquiet sur la finalité du projet.
La non contrainte de l'avis environnemental : le cheval de Troie pour faire passer un projet.
Notre législation en matière environnementale a un cheval de Troie. Nous avons des experts qui sont censés être les garants du respect des lois et de dire si un projet est suffisamment compensé vis-à-vis des atteintes à la biodiversité et la nature qu'il détruit. Seulement, l'avis que rend le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) et l'Autorité environnementale (Ae), précédent l'enquête publique loi sur l'eau, dernière obligation administrative avant la délivrassions du Permis unique (1) par le préfet, n'est pas bloquant.

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Le cas d’école : le GCO !
Ainsi, le CNPN ou l'Ae peuvent rendre un avis défavorable ou avec réserves sur tel ou tel projet, le cheval de Troie est que ces avis restent consultatifs et ne représentent pas une contrainte suspensive.
Le cas d'école en France est le projet de l'A355 de contournement ouest de Strasbourg dit GCO ou COS concédé à Vinci. Le projet d’autoroute à péage a reçu 7 avis défavorables d'organismes d'État. Jugées non compensables par les experts, les autorités auraient dû demander à Vinci de revoir sa copie pour la rencontre acceptable ou de mettre un terme au projet. Ni l’un, ni l’autre ne sera décidé. Le 31 août 2018, contre toute logique, le préfet de l'époque signe l'Autorisation environnementale unique (ou permis unique) permettant au concessionnaire ARCOS, filiale de Vinci Autoroutes, de démarrer les travaux.
À l'époque, les insuffisances pointées dans le dossier des mesures compensatoires par le CNPN (2) et l’Ae ont été revues en partie pour le dossier de l’enquête publique « loi sur l’eau » qui s’était déroulée entre mai et juin : une enquête sur le volet Vinci et une autre sur le volet Sanef qui se sont toutes les deux soldées par un avis défavorable des commissions d’enquête. Là encore, les autorités auraient pu dire stop, mais ne l’ont pas fait.

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Un référé suspension déposé devant le tribunal administratif (TA) de Strasbourg dans la foulé de l’Autorisation unique, n'a pas permis de suspendre le démarrage des travaux, reportant à une date ultérieure le jugement sur le fond, un jugement qui s'est déroulé trois plus tard, en juin 2021.
Dans son verdict rendu publique le 20 juillet, le TA donne raison aux opposants sur cinq des six recours que les juges ont examiné. Malheureusement, la lenteur de la justice administrative, a laissé le temps à Vinci de quasiment terminer son autoroute au moment du jugement.
Dans l’ordonnance, les juges donnent 10 mois à l’État et à Vinci pour apporter des informations complémentaires pour justifier la signature de l’Autorisation unique délivrée par la préfecture le 31 août 2018, conditionnant l’ouverture de l’autoroute. Ainsi, Vinci a obligation de refaire un dossier sur les mesures compensatoires et l’État, d’organiser une nouvelle enquête publique « loi sur l’eau ».
Seulement, début novembre, la cour administrative d’appel (CAA) de Nancy, casse la condition sur l’ouverture du GCO qui sera inauguré le 11 décembre en présence du Premier ministre et ouvert à la circulation le 17 décembre, le tout sans remettre en cause les autres points de l’ordonnance. Ils n’avaient d’ailleurs pas été contesté devant la CAA.

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L’histoire de s’arrête pas là.
Vinci devant refaire un dossier sur les mesures à mettre en œuvre dans le cadre des compensations obligatoires, est repassé devant le CNPN en novembre 2021 et l’Autorité environnementale en janvier 2022. Dans les deux cas, une nouvelle fois, les experts ont étriqué ce qu’ils ont eu à lire. Ce sont les 8e et 9e avis défavorable. L’intérêt majeur d’utilité publique pourrait même être remis en cause.
D’ici mai, les opposants auront une nouvelle enquête publique à travailler. Que décidera ensuite le TA de Strasbourg ? Nul n’est devin pour le prédire. Ce qui est certain, c’est que la légalité de l’autoroute de Vinci est un suspend. L’État et le concessionnaire ayant réussi l’exploit de réunir les anti-GCO et les usagers de la M35 et A35 de Strasbourg avec la modification des panneaux de signalisation où Strasbourg vers l'axe gratuit à disparu poussant les automobilistes sur l'A355 et son péage pour se rendre dans la capitale alsacienne. Une Pétition en cours a déjà réuni plus de 8 300 signataires.
(1) En France, l'autorisation environnementale unique (ou permis unique) est un dispositif qui fusionne les différentes procédures et décisions environnementales requises pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumises au régime de l'autorisation – source Wikipedia
(2) Vinci a présenté deux fois son dossier compensatoires en 2017. A chaque fois, le CNPN a rendu un avis défavorable. La même année, sur le volet Sanef du projet, même sanction.