« Quand arrive la douceur printanière, la terre se couvre de fleurs aux belles couleurs et les oiseaux font entendre leurs chants ravissants. Un honnête homme, comblé de dons, bien nourri et bien vêtu, se doit de laisser des propos éclairants et d’accomplir des actes exemplaires. Sinon, serait-il resté cent ans au monde, ce serait comme s’il n’avait pas vécu un seul jour. « dit HONG Zicheng , dans son livre « Propos sur la racine des légumes » .
L’on s’attendrait à entendre parler de légumes dans cet ouvrage, vu son titre et il n’en est rien. Plus exactement, cet auteur chinois du 17° siècle parle de philosophie, de la nature, des comportements à avoir dans le monde et dans la société, de pauvreté et de richesses, de la vie éphémère, du rapport avec autrui, des rapports sociaux, fait l’apologie de la frugalité et de l’effort.
« Les propos de ce livre sur la saveur du monde, ou plutôt celle de la fuite du monde, sont en fait des propos sur le soin à apporter à la racine… La racine des légumes est une chose que l’on méprise , comme ce livre que beaucoup ignorent ; mais la saveur de la racine des légumes ne peut s’apprécier sans quiétude , de même que ce livre « , est-il écrit dans la préface.
Confucius aurait dit : « Tout réussit à qui sait mâcher la racine des légumes « . Certains évoquent une formule encore courante sous les Ming sur le devoir d’un mandarin de ne pas oublier le goût amer des racines pour l’éviter au peuple. Ainsi s’expliquerait ce curieux titre.
Ce livre met en miroir des phrases au sens apparemment contradictoire, à décrypter un peu comme un Yi-King. Cette vision bouddhiste des choses amène l’apaisement. Et en cela, rejoint la quiétude et l’harmonie que tout jardinier peut trouver dans son royaume de verdure et de beauté.
Dans la douceur printanière, en écoutant et en regardant pousser légumes et fleurs, il peut être judicieux de s’aménager une pause, sous un arbre, sur un lit d’herbe, sur une chaise dépenaillée, et de laisser son esprit vagabonder sur un des aphorismes étonnants de ce sage HONG.
Culture de l’esprit et culture des plantes en parfait équilibre. Au mieux, vous pouvez oublier votre modeste et peu coûteux exemplaire dans le jardin, il servira d’écrin à un oiseau, quelques fourmis, une abeille. Ou sera grignoté par un mulot
Là, est la Voie.