
Michel Galabru et Philippe Caubère
correspondance à deux voix à Maussane-les-Alpilles
Salle Agora : deux enfants terribles de la Provence racontés par deux comédiens au mieux de leur forme !
A la fin de cette séance de lecture exceptionnelle, présentée par le narrateur Jean-Pierre Bernard, qui en assure le fil rouge, Michel Galabru s’apprête à sortir de scène, dos au public, symbolisant ainsi la disparition brutale de Jules Raimu après une banale opération de l’appendice. Le comédien, dans la peau du personnage, marque un temps d’arrêt, se tourne vers la salle et lance avec emphase : préparez-moi un steak bleu avec des frites molles ! Jules Raimu ne sera plus. Caubère s’avance lentement et lit le texte de Marcel Pagnol écrit dans l'émotion du moment, sur une table du bar le Fouquet's, le jour de la mort de son ami. Il sera publié immédiatement dans France-Soir :
- …Pour la première fois tu ne riais pas, tu ne criais pas, tu ne haussais pas tes larges épaules. Et pourtant, tu n'avais jamais tenu autant de place, et cette présence de marbre nous écrasait par ton absence...
Auparavant, pendant un peu plus d’une heure et quart, devant près de 350 spectateurs, les deux artistes se sont livrés à un véritable duel de bons mots, de calembredaines et de coups de gueule extraits de cette correspondance qui, née, à l’occasion de la création de Marius au théâtre en 1929 à Paris, s’est poursuivie jusqu’au décès de Jules Raimu en 1946.
Morceaux choisis :
Raimu : Je suis en train de te lire avec 80 ventouses dans le dos. Avec toi ça en fait 81 ! Je ne veux pas jouer dans La femme du boulanger avec toi comme metteur en scène. Même si la Sainte Vierge me le demandait, je répondrais : Non Môôsieur ! Si je dois aller aux USA, il faudrait que le bateau ait la tête à New York et le cul au Havre pour que je puisse y aller à pied !
Pagnol n’était pas en reste : Tu te fais prier comme une vieille coquette. Tu pètes et tu ne voudrais tout de même pas que je dise que tu sentes la fleur d’oranger !
Au-delà de leurs échanges épistolaires orageux, on devine leur admiration réciproque, leur tendresse et leur complicité. Le célèbre auteur de la trilogie n’avait-il pas hésité, lors de la première de Marius, à inscrire sur la tapisserie de la loge : Raimu est un génie ! Du coup, très flatté, le grand cabotin, à l’aube de sa carrière, s’était empressé de la découper et de la conserver précieusement !
A l’issue du spectacle, tout le monde s’est accordé à reconnaître que cette soirée avait revêtu un caractère exceptionnel tant par le sujet que par le brio des interprètes. Côté coulisses, Michel Galabru, toujours aussi sympathique à la vie comme à la scène, s’est félicité tout à la fois de la qualité du lieu et de l’accueil.
Petite confidence : Philippe Caubère songerait à revenir dans les Alpilles pour jouer son spectacle Marsiho inspiré du superbe texte d’André Suarès, grand ami du célèbre graveur des Baux, Louis Jou.
Jean Esposito