J’étais au service militaire dans un régiment à Strasbourg. Mais au printemps 1968, j’ai participé à une compétition sportive de navigation, entre régiments du Génie, d’Angers à Rouen par les fleuves et les canaux. Après avoir traversé Paris en pleine ébullition étudiante, Je suis arrivé à Rouen la veille du démarrage des grèves des postiers et des cheminots. Une permission de quelques jours nous ayant été accordée, le colon, présent à l’arrivée, a accepté que je reste à Rouen, ma ville natale. Il devait m’envoyer la permission par courrier. Elle n’est jamais arrivée et de toute façon il n’y avait plus de train pour repartir à Strasbourg. Je suis resté trois semaines dans la quasi illégalité, préparant dans la journée, entre deux manifs, un meeting de la JOC [Jeunesse ouvrière chrétienne], prévu pour mi-juin à Yvetot et participant la nuit à l’occupation des Fermetures Éclair, mon entreprise ou j’étais syndiqué CGT. À mon retour à la caserne, après le redémarrage des trains, j’étais conscient que ma situation n’était pas des plus nette, mais heureux et fier de ce que j’avais vécu, je pensais ne pas échapper à de nouveaux jours de tôle et à faire du rabe ? Coup de chance, De Gaulle, venant de dissoudre l’Assemblée nationale, a libéré plus tôt ma classe dans l’espoir que les bidasses, bien remontés par un mois d’enfermement en caserne, soient sensibles aux candidats de droite. Fini le rabe. J’ai même été libéré deux semaines avant la quille et n’ayant pas encore 21 ans, je n’avais pas le droit de voter !
Billet de blog 13 avril 2018
«Je suis resté trois semaines dans la quasi illégalité»
Par Didier Niel, 20 ans, appelé du contingent à Strasbourg (Bas-Rhin).
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