13 ans, un collège de filles tenu par des « bonnes sœurs » à Cholet, petite ville ouvrière au cœur de l'Ouest catho.
Panique quand les bruits de couloir font état de l'arrivée possible de garçons du lycée laïque en grève.
Reine-Marie et moi-même avons nos pères qui ont cessé le travail.
Nous prenons notre courage à deux mains pour oser nous adresser à la religieuse prof de maths : « Nos pères sont en grève, et nous sommes pour la grève. » Le père de Reine-Marie est artisan maçon, le mien ouvrier.
La religieuse s'adresse à moi pour me répondre : « Ma pauvre, quand on a des parents ouvriers, on a encore plus besoin que d'autres de cours de maths pour réussir plus tard... Ce n'est pas le moment de sécher les cours. »
Je rapporte le soir ces propos à la maison.
« Demain, tu restes ici », déclare mon père.
Et voilà comment, du haut de mes 13 ans, j'ai à ma façon participé à ce grand moment de Mai 68 que je ne pourrai oublier...