Mai 68, j'allais avoir 20 ans. Après un parcours scolaire chaotique dans l'enseignement public, je redoublais une Terminale A en étant « pionne d'internat » dans un lycée privé sous contrat d'Angers. Je n'avais jamais tant travaillé que cette année-là, décidée cette fois à avoir mon bac. Tous les examens étaient en stand-by.
Et patatras, il est décidé, un beau matin, que les élèves du public se verraient décerner le bac par leurs professeurs et que les élèves du privé sous contrat devraient passer un examen. La révolte n'est pas venue seule. Notre professeur de lettres, homme remarquable, arrive un jour dans la salle de classe et nous lance un « tout le monde se bouge, vous n'allez pas rester à rien faire ! ». Il ne m'en fallut pas plus pour rejoindre les troupes, seule toutefois de mon établissement. Je me retrouve donc dans un mouvement des élèves du privé sous contrat. Nous créons une « Association pour la défense des élèves de l'enseignement privé ». Nous rencontrons les élèves du public dans des arrière-salles de cafés enfumées. Je deviens secrétaire de ce mouvement, le poste de président étant tenu par un garçon. Nous avons même eu le temps de nous doter de matériel puisque mon père a retrouvé un jour un tampon au nom de cette association.
Que s'est-il passé réellement du point de vue de la lutte ? J'avoue que je ne m'en souviens plus. Mais toujours est-il que le baccalauréat a été organisé pour tous de la même manière, c'est-à-dire à l'oral. J'avoue que ça m'avantageait plutôt. J'ai eu mon bac (enfin !) avec mention assez bien. Et je suis rentrée dans l'enseignement ...
Mon engagement syndical et associatif date-t-il de là ? De ces quelques jours d'euphorie ? Peut-être.