Mai 1968 : la découverte du droit à la parole. C'est un souvenir très marquant pour moi, à 16 ans, au lycée Jean-Bart à Dunkerque.
La parole entre nous, avec des profs, avec l'administration du lycée, avec des comités d'action lycéen aussi.
Assis sur les tables dans les salles de classe, ou dehors, partout ça « discutait » : absence de profs, contenu des cours, avec le lycée technique tout proche, nous voulions participer, qu'on tienne compte de nous.
Les jeunes les plus actifs n'étaient pas souvent, dans ce lycée, du milieu ouvrier comme nous. La JEC [Jeunesse étudiante chrétienne] à l'aumônerie nous poussait à participer ensemble à ce qui se passait.
Une jeune, Viviane, était très active dans les débats avec les profs de philo. Plus tard, elle entonnait souvent dans les luttes : « À bas l'État policier[1] »…
Je ne me souviens pas d'avoir participé aux manifestations, mais il se passait quelque chose d'extraordinaire, d'inconnu jusqu'alors !
Deux ans plus tard, je travaillais dans une société portuaire de transit à Dunkerque.
Mes collègues ne s'étaient pas solidarisés avec le mouvement, et avaient eu très peur de la grève des ouvriers dockers.
Je ne comprenais pas cette opposition entre ouvriers et employés. Car enfin, nous avions tous ensuite bénéficié des augmentations de salaires suite aux accords de Grenelle.
Cette année 1970 aussi, pour la première fois, je participais à une manifestation syndicale pour le 1er mai avec la JOC [Jeunesse ouvrière chrétienne]. Ma famille était totalement opposée à cela, aux syndicats, et je pense que mai 1968 avait été pour moi une première sensibilisation.
Mon mari avait 10 ans en 1968. Il se souvient d'avoir arrêté l'école aux alentours du 15 mai, pour la reprendre en septembre. Issu d'une famille communiste, ses parents soutenaient ainsi la grève des enseignants.
[1] Chanson de Dominique Grange écrite pendant le printemps 1968.