Billet de blog 16 février 2018

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SOULEVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS

Danielle Brossier. 17 ans, en 1re au lycée Victor-Hugo à Alger (Algérie) et Sylviane Guittard, en terminale au lycée Hélène-Boucher, Paris.

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« Un élève monte sur une chaise » par Danielle Brossier

En 1968, j'ai 17 ans, je suis en première au lycée Victor-Hugo à Alger. Je suis peu politisée. J'entends parler de ce qui se passe en France, mais c'est loin.

Un élève monte sur une chaise et commence à nous haranguer dans la cour du lycée, nous l'écoutons jusqu'à ce que le surveillant général, le surgé nommé Nounours, vienne nous menacer si nous ne regagnons pas nos classes respectives. C'est ce que nous faisons, sagement.

L'élève était Edwy Plenel.

« Il ne faut pas laisser tout ce vent se disperser » par Sylviane Guittard


Interdit le maquillage, interdites les jambes nues : un lycée de filles, et coté en plus : Hélène-Boucher.
Un brouhaha, pendant la récré… Les garçons du lycée Paul-Valéry à la porte, en partie dans le hall. C'est quoi cela ?
Nous les vieilles (terminales) accourrons...Un barrage de pions, de surgés.
On négocie. Deux ou trois filles sortent. Ils veulent que l'on aille à la Nation, au lycée Voltaire.
Refus et fermeture des portes.
Un peu de réflexion...mais une curiosité. L'après-midi on « sèche » les cours. C'est à la Nation, c'est un début de foule. On écoute, on s'informe. Nos parents faisaient un peu beaucoup le barrage des médias.
Nous sommes trois, nous tentons de savoir ce que l'on doit faire. Réunion à trois dans une pièce de l'une d'entre nous, de la Corydrane, pour ne pas dormir. le Monde en journal, et puis cette première de petite manif… Il faut qu'on parle à la classe !
À huit heures le lendemain, l'une de nous, moi par hasard, demande la parole au prof d'histoire, tout esbaudie qu'elle me laisse parler. J'explique, les deux autres en renfort : il ne faut pas laisser tout ce vent se disperser ; il faut l'ouverture avec les autres lycéens. On nous écoute, mais franchement, nous trois on sait que cela ne servira guère.
Quelques profs de philo, d'histoire, nous briefent. Dès les jours suivants quand un lycée arrive, on sort, on « manif’ » ! On va à la Sorbonne, on défile avec des ouvriers, des étudiants. Aux terrasses des cafés, les gens nous offrent à boire, il fait chaud.
De réunion en réunion, sûrement l'impression de faire partie d'une histoire.
Chez nous les parents se serrent les coudes, ne veulent plus qu'on aille au lycée. Nous nous obstinons, mais les profs sont en grève ! Le métro est en grève. Tant pis on marche…
Mais tout a une fin ; l'une est en grande banlieue, l'autre est expédiée en Limousin, au nom d'une prétendue mission.
Moi mes parents, mon père plutôt, m’enferment ; ma mère gaulliste, moi la gauchiste !
Ce furent trois semaines intenses.
Mais j'étais jeune ; cela m'a permis une certaine éducation politique, à lire, à critiquer la presse, à militer pour après.
Il est interdit d'interdire.

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