En 1968, j’avais 22 ans, j’étais institutrice en maternelle dans l’enseignement privé. Nous ne faisions donc pas grève. Mais l’école, située près du centre-ville de Rennes et près d’une caserne, était fermée en raison des craintes des manifestations.
Je n’étais guère partie prenante des événements par moi-même. Je crois que je suis allée à quelques réunions syndicales (j’avais bu de la CFTC, puis de la CFDT dans le biberon…).
Mon père était menuisier et travaillait sur des chantiers pour un petit patron. Toute sa vie il a été militant syndical. Donc il a participé à la grève. Et le soir on en parlait et on suivait les infos. Mais je n’ai pas de souvenirs précis…
Sauf celui-ci qui m’a marquée. Il concerne le soutien de paysans aux ouvriers grévistes, par l’intermédiaire des syndicats.
Nous habitions en périphérie de Rennes, en ZUP. À plusieurs reprises, des paysans sont venus proposer des légumes de leur production à des prix modiques. Avant qu’ils arrivent avec leurs camions, Papa était prévenu, ainsi que d’autres militants, par le syndicat ; nous allions avec lui, prévenir les habitants des cités voisines, qui descendaient à la rencontre des paysans et de leurs camions.
J’ai le souvenir de cette fraternité, d’une solidarité paysans/ouvriers. Et d’une solidarité avec les habitants des quartiers voisins du nôtre.
Venue travailler en 1972 aux Chèques Postaux de Paris (CCP), j’ai beaucoup entendu parler de « Mai 68 » par les copines de la CFDT, d’une participation de cette « grande boîte » à la grève, avec occupation des locaux et une grande « ébullition ». La lutte du personnel féminin a porté sur la réduction du temps de travail (95 % du personnel des CCP c’était des femmes et la « double journée de travail », ça leur disait quelque chose !) ; cette lutte a permis de décrocher le samedi après-midi libre.
Avant la grève, le travail, « en équipes » c’était du lundi matin au samedi fin d’après-midi ; après 1968, les Chèques Postaux fermaient le samedi midi.
Mai 68 fut une étape importante dans le mouvement de « libération » des femmes.
Cette réduction d'horaires c'était avec créations d'emplois et sans perte de salaire ! Elle appelait donc de nouveaux emplois. Dès le mois de juin, les PTT ont organisé un concours ; beaucoup de filles de province sont venues travailler à Paris-Chèques. Elles arrivaient nombreuses dans les différentes gares de Paris le même jour, pour l'accueil aux CCP.
Acquis de Mai 68 aussi, un accueil en gare a été organisé conjointement par les PTT et par les organisations syndicales.
Cette lutte des femmes des Chèques Postaux pour la Réduction du Temps de Travail (RTT disions-nous…), a continué par grèves successives et a culminé dans la grande grève des PTT en octobre-novembre 1974 (cinq semaines de grève). La participation des femmes était importante pour la grève elle-même, mais aussi pour les assemblées générales et les manifs. Nous avons obtenu une nouvelle RTT, avec créations d’emplois et sans perte de salaire. Pour le samedi, c'est devenu un samedi matin travaillé sur quatre.